dimanche, août 12, 2007

Babylone sous le soleil

Babylone sous le soleil. Lourd comme des cordes d’amarrage . Je laisse passer la fumée en pensant à ce qui m’arrive. Cela faisait vingt neuf ans que je naviguais sans jeter l’ancre.
Mais ce temps lourd me pèse. Je vais avoir du mal à tout déballer d’un coup.
Encore un lampée de café soluble et j’y vais. Le train ne m’attendra pas cette fois-ci. Depuis que je vis à Marseille je n’arrête pas à retourner mon passé dans tous les sens.
Paris Marseille . TGV . Trois en heures.
Tous ces parisiens qui ont débarqué depuis l’ouverture de cette ligne. La flambée des loyers depuis . pff. Paris me poursuivra ou que j’aille de toute façon .
Ca doit lui faire drôle, à cette petite . Toute cette foule , cette saleté. Le bruit surtout . J’avais pourtant choisi Marseille pour sa mer . Pour lui rappeler la maison de son père . La mer rouge . Le sable jaune .
A moi ça ne me rappelle rien. J’ai grandi au milieu du rien et je suis parti de rien . pour rien .
Je m’apprête pourtant à la quitter . Pour de bon . Je sais qu’elle n’a pas besoin de moi . Elle n’a jamais eu besoin de moi.
Elle pour qui je me suis battu à coup de sabre. A qui j’ai promis monts et merveilles en l’emmenant en France . Je ne veux plus la voir comme ça perdre son temps avec un vieux rabougri qui mâchouille du mat toute la journée .Elle guette mon départ depuis un moment . Elle me connaît bon dieu ! Rien qu’à voir comment elle vérifie mes affaires . mon passeport en douce à chaque fois qu’elle s’absente. Elle a toute la vie devant elle . Une gamine de 22 ans pourra mettre à ses pieds tous les hommes . Je n’ai plus rien à lui offrir . Ma vie est derrière moi et j’ai envie de la finir comme je l’ai commencée un beau jour de novembre.
Je suis né à seize ans le jour ou je me suis enfin décidé à quitter Poit au Ban .J’y suis jamais revenu depuis . La Bretagne .Je n’ai rien dessus. Cela fait tellement longtemps . J’ai du oublier . Tout ce qui m’est arrivé avant cette date est considéré comme nul et non avenu .
Je m’appelle Martin Casspien de mon nom de baptême .Peu de gens m’appellent comme ça. Depuis le Soudan je suis plus connu sous le nom de Jibril Al soundoussi .
Je me suis embarqué pour la première fois dans ce navire hollandais qui est resté à quai à St Nazaire plus d’un mois pour des réparations. Le temps nécessaire pour que je me décide enfin à quitter ce trou .
J’avais pris le décision d’aller plus loin que la jetée. Rien comme ça, parce que je m’en sentais capable . Pour fuir l’ennui Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai voulu partir . J’ai sauté dans ce bateau caché dans une cale . L’équipage m’a très vite repéré . Alors ils m’on mis dans une pièce en attendant l’arrivée à Rotterdam .
La capitaine a accepté que je travaille en tant que commis de cuisine à la fin mais a n’était pas l’avis des autres . Au troisième jour de la traversée alors que nous étions presque arrivés à destination, j’ai senti une forte odeur de gaz pénétrer dans ma chambre . La porte était fermée à clef . la seule solution pour échapper à l’asphyxie c’était de sauter à travers le hublot.
Je me suis donc retrouvé en mer . J’ai nagé jusqu’au port, ça faisait un bon 2 km . Le bateau était en mouillage .
Le froid glacial de cette m’a marqué à jamais . C’est depuis que je porte deux pulls même quand il fait chaud . Une peur psychologique du froid , bien plus forte que toute autre peur , la faim etc.
A Rotterdam et j’étais trempé. Mais c’était la peur qu’on me retrouve qui prenait le dessus . Je courais sans me retourner jusqu’à perdre haleine.
Il n’y avait rien à faire. Je tremblais . Alors recroquevillé contre un mur d’une brasserie . Je me suis assoupi . Les passants me regardaient sans s’arrêter. C’était la nuit la plus effroyable de ma vie. Je me rappelle encore du froid qui me piquait de partout . les jambes, les mains , le dos. Mes os , je les sentais brisés.
Au p’tit matin je suis retourné au port . le bateau était déjà parti. J’étais tranquille.
Après cela j’ai appris à me méfier des hommes et de la mer . Ainsi fut mon baptême .
Après trois mois à errer autour du port de Rotterdam . Je réussis à trouver un bateau en partance pour l’Egypte. C’est là que je voulais aller . Je me sentais des origines égyptiennes malgré mes yeux bleus et ma forte corpulence . Avec mes cheveux noirs corbeau et mon teint couleur d’argile.
J’ai réussi à me faire enrôler en tant que commis mais cette fois pour de vrai . Le voyage me fut pénible malgré l’entourage qui contrairement à la première fois fut aux petits soins avec moi . Le chef cuisinier était un vieux cairote , il s’appelait Ali. Il aimait la mer et ses vagues mais lui préférait sa p’tite maison du delta . il y vit avec sa grande famille . Il n’arrêtait pas de parler de son patelin « El Fayoum » que ça s’appelle . Si bien que ça m’a donné envie d’y aller .
Eh le petit hollandais ! pourquoi est ce que tu viendrais pas chez moi une fois arrivé au Caire .Tu verra de tes propres yeux ce qu’est la vie d’un égyptien du sud au lieu d’aller courir les putes qui te plumeront avant que tu en t’en rende compte ?
Personne ne verra que tu es étranger si tu ne fais trop de vagues.
J’allais enfin découvrir un nouveau pays .
Arrivé au Caire je débarquais avec Ali . On a pris le bus pour El Fayoum . Le temps était humide et ça jacassait de partout ! C’était la première fois que je voyais autant de monde !
Les rues étaient pleines de voitures et de bus, carrioles qui roulaient en tout sens . les gens se disputaient dans le bus et ça sentait le cramoisi.
Au bout d’une heure de route nous avons changé de bus pour prendre une piste le long d la rive du nil. El Kahira était derrière nous.
Depuis ce voyage, j’ai nourri une grande tendresse pour tout ce qui touchait de prés ou d loin à l’Egypte.
J’y suis resté trois mois , choyé par ces gens que je ne connaissais pas . Le ‘Plaisir’ ne m’a jamais revu. Ce bateau qui m’a ramené jusqu’à ces gens.
J’avais envie de continuer vers le sud . Longer le Nil jusqu’au Soudan . Mais il fallait des autorisations spéciales qu’il m’était impossible d’obtenir.
Le beau frère de Ali , un homme respectable m’a vivement déconseillé car ça castagnait sec de ce côté là. Il y avait en effet une guérilla frontalière entre les civils soudanais du nord qui revendiquaient une parcelle de terre considérée comme sacrée par la communauté copte égyptienne . C’est là que Saint Joshua , deuxième apôtre à avoir longé le Nil en 57 pour transmettre la parole de Jésus fut enterré. Le chef spirituel du Soudan ‘Hassan Tourabi’ considérait ce terrain sien du fait qu’historiquement sa famille d’ancien propriétaires terriens exploitaient la quasi totalité de la région nord jusque dans les années soixante date à laquelle Le président égyptien de l’époque annexa la région en la consacrant berceau de l’Egypte au grand dam des égyptologues et des amoureux des pyramides.
N’écoutant que mon instinct je préparais un léger paquetage pour me diriger vers le grand sud .
A la bibliothèque municipale de St Nazaire j’avais lu beaucoup d’ouvrages sur le soudan .
Tout un pan de l’histoire était écrit à coup de batailles perdues contre les descendants des pharaons. Ou plutôt ses esclaves .
Ces gens là finalement cherchaient à gagner leur liberté et cela dura prés de trois siècles . Puis vint l’ère islamique et tout ce qui s’en suit .
A cette époque je ne connaissais rien de l’islam ni d’aucune autre religion . J’allais à la messe avec les copains pour draguer . Mais je m’en foutais éperdument .

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