jeudi, avril 08, 2010

Timimoun

Arriva le jour du départ. Marie n'alourdit pas son sac . Elle mit dans dedans trois t-shirt et autant de sous-sous-vêtements, des claquettes brésiliennes et son appareil photo offert par Ferdinand la veille.

Le taxi clandestin les emmena de bonne heure à l'aéroport. Le rendez-vous était pris pour sept heure du matin. Ils trouvèrent Taybus attablé à la cafette, lunettes de soleil et casquette sur le coté.

-Ça y est t'es déjà en tenue? Lui rétorqua Ferdinand

-Regarde mes yeux j'ai pas dormi de la nuit dit Taybus en relevant ses lunettes pour se justifier.

-Bon allez on se prends des croissants, un bon café au lait et hop à l'enregistrement dit Ferdinand Timimoun est à deux heures de vol, tu aura le temps de roupiller parce que sur place tu n'en aura pas le temps.

Arrivés à l'aéroport de Timimoun; Marie sentit tout de suite la chaleur encore douce mais sèche qui provoqua en elle une sensation de bien être. Jilali, le directeur du ryad et ami de Ferdinand les accueilla à bras ouvert.Marie lui envia sa grande gandoura blanche.

Ils s'engouffrèrent dans une toyota 4*4 d'où jaillissait une musique qu'elle connaissait bien à présent.

-C'est les Gnawa? Demanda Marie à Jilali

-Non ma fille ça c'est l'Ahelil c'est la musique du Gourara, notre chant local , tu va voir ce soir durant les cérémonies.

-Ça a déjà commencé le mouloud? demanda Ferdinand

-Oui c'est le sixième jour, aujourd'hui c'est le jour de la hofra. Les tribus de l'extérieur et les locaux se réunissent et se mélangent. C'est une vieille tradition qui remonte à très loin . On dit qu'un saint homme voulut offrir un repas aux pèlerins qui se dirigeaient vers la Mecque mais il n'avait pas les moyens de le faire. Alors toutes les tribus apportèrent qui du blé qui des dattes. Le repas put se faire.

Cette solidarité se renouvelle chaque année au mouloud.

Marie écoutait parler Jilali tout en prenant avec frénésie des photos du trajet. Elle semblait ébahie par cette nouvelle palette de couleurs qui s'offrait à ses yeux.

-Ne bousille pas ta batterie des maintenant on vient d'arriver lui dit Ferdinand en souriant

Marie reposa son appareil sur ses genoux un moment puis brusquement se remit à prendre des photos par esprit de contradiction.

Arrivés à la palmeraie, la voiture s'enfonça dans un labyrinthe bâti de palmiers durant vingt bonnes minutes pour enfin arriver à bon port. Une grande bâtisse couleur ocre, les portes s'ouvraient sur une cour qui abritait une tente de bédouins, une terrasse qui avait vue sur la sebkha de Timimoun. Il semblait y avoir des européens attablés qui prenaient un copieux petit déjeuner.

Leur allure hirsute, pleins de poussière leur donnait une drôle d'allure.Ils semblaient être habillés en haillon. Marie apprit plus tard qu'ils revenaient de deux semaines de trekking en plein désert avec pour seul compagnie un guide touareg et son chameau.

Marie et Ferdinand choisirent vite leur chambre, y déposèrent leur bagages et redescendirent chercher Taybus.

Jilali était la aussi avec le chauffeur, un vieux monsieur tout habillé en blanc lui aussi.

-Je vous présente votre guide et votre chauffeur pendant votre séjour, El hadj Abdeka. Il vous emmènera ou vous voulez il connait tous les bons coins de Timimoun , les vieux ksars aux alentours et les dunes praticables si vous voulez tâter de la dune.

-On a d'abord une visite à faire dit Ferdinand voilà l'adresse.

Il tendit le papier au chauffeur qui le remit à Jilali

-C'est en français je ne le lis pas.

-D'accord Abdekka c'est à Tirkouk. Tu demandera sur place ce nom

En prononcant le nom du chikh le vieil homme changea de couleur.

Chikh Bouderbala était bien connu dans la région . Il avait monté voilà une trentaine d'années une zawya qui ne ressemblait à aucune autre. Elle surplombait la colline avoisinant Tirkouk , personne n'osait s'y aventurer mis à part les disciples qui pullulaient dans tout le sud algérien , marocain et mauritanien.

En plus d'un enseignement coranique, les élèves étaient soumis à un entrainement quasi militaire. Les autorités laissaient faire bizarrement. Jusqu'à l'avènement du terrorisme dans les années quatre vingt dix. Des convois de parachutistes sont venus fermer définitivement la zawya. Depuis n'y vit que le vieux chikh resté cloitré dans la bâtisse avec les quelques disciples qui lui sont restés fidèles.

On entendit plus parler de lui.

Le chauffeur les emmena dare dare en direction de Tirkouk . Le vieil homme avait mis sa tenue blanche et semblait joyeux. Ferdinand chuchotait on ne sait quoi à son oreille. Marie ne réussissait pas à desceller le sujet de leur discussion. Michelle s'encanaillait avec Taybus à l'arriere du 4*4.


Pendant tout le trajet ils se plaignait au chauffeur des secousses qu'ils subissaient.

Arrivés enfin sur le site de Tirkouk ils virent la bâtisse blanche dominer la colline. La voiture s'arrêta et le chauffeur leur fit signe de descendre et de continuer à pied car la voiture ne pouvait pas monter plus loin . En vérité, Le vieux chauffeur comme tous les habitants de la région avait une peur bleue du vieux chikh et de sa bâtisse et ne voulait s'en approcher plus.

-Je vous attends ici, ne vous en faites pas je ne bougerai pas dit Abdekka le chauffeur.

Il ouvrit le coffre, sortit une natte tressée, la déploya sur le sol et s'assit en tailleur.

On fit descendre le vieux chikh de la voiture et la jolie troupe entama la montée au rythme des petits pas du chikhs.

Il fallut une demi heure pour arriver au porche de la bâtisse. Taybus frappa violemment du poing. Un jeune homme en turban blanc leur ouvrit.

-Bienvenue, kirakoum ? Entrez, entrez dit le jeune en s'inclinant.Il embrassa sur la tête le vieux chikh comme si il le connaissait. Il les guida vers la cour de l'école, des poules et des oies étaient la éparpillées dans la cour. Marie prit quelques photos des murs blanchis de chaux et du grand tableau accroché au centre et qui semblait représenter un ancien patriarche en costume d'apparat.

- Chikh Bouderbala fait sa prière il va vous rejoindre juste aprés dit le jeune eleve.Veuillez vous installer.

Il leur rapporta une jarre pleine d'eau fraiche. Michelle but quelques gorgées, l'eau etait parfumée de goutrane ce qui n'etait pas desagreable au palais.

Le jeune eleve leur apporta ensuite un plateau de dattes seches. Marie fit mine d'en prendre quelques unes et les mit dans sa poche.

Quelques minutes d'attente au milieux des poules et le chef de l'ancienne confrerie apparut, habillé tout en blanc, pied nu. C'etait une force de la nature , un grand homme noir vetu de blanc à la barbe blanche bien taillée. En les saluant elle sentit une forte odeur de musc .

En aparcevant le vieux chikh il le prit dans ses bras et l'embrassa sur la tete puis sur l'epaule, tout en poussant des petits cris de joie