dimanche, décembre 24, 2006

Les chevaux se font rares

C’était pour les chevaux ! c’était pour les chevaux que j’ai fait tout ça. Je vous le jure sur la tête de tata Ourida. Maître asseyez vous prenez votre aise il faut tout savoir, tout depuis le début pour comprendre, pour me défendre il faut connaître l’histoire.
Moi je suis un Bellil du clan des Bellil des Ouled Sid Chikh. J’ai grandi avec les chevaux. Ma vie tourne autour de ces bêtes. Je ne veux pas qu’on me coupe la tête pour un cheval !
Ecoutez moi un peu car personne ne m’a écouté.
Je suis rentré à l’école des cadets grâce à monsieur Mesbah, le plus grand cavalier de tout le pays. Il est venu chez moi le 9 mai 1979 et a parlé à mon père qui était déjà très vieux.
C’était juste après notre waada ou j’avais fait des émules avec mon Baroud. Baroud était le plus beau cheval qu’un homme puisse posséder et moi je sais comment m’y faire avec les chevaux. La Waada de Ouled Sidi Chikh est la plus importante fête hippique sur le territoire national. Il n’y avait pas loin de six cents chevaux qui se défendaient mais Baroud sortait du lot et moi je savais comment le soigner, le brosser, faire briller ses sabots et sa crinière.
Sa robe argentée allait bien avec la selle de mon grand père.
Je participai à la fantasia pour la forme parce que les fusils ne m’intéressaient pas. C’était dans la danse que j’étais champion. Baroud dansait au bruit des tambours et de la ghaïta. Il réagissait au moindre mouvement de mon corps. Nous ne faisions qu’un. Tout le monde applaudissait. J’étais le roi.
Monsieur Mesbah s’est approché de moi à la fin de la parade a sorti une poignée de son pour Baroud puis m’a dit qu’il allait faire de moi un grand Fares que j’allais devenir Harass Joumhouri. Moi j’avais pas compris que Harass Joumhouri c’était la garde nationale. Mais j’ai compris qu’il s’agissait de chevaux alors j’ai pas dit non.
Son impressionnant uniforme kaki et toutes ses décorations faisait de Monsieur Mesbah un extra-terrestre dans mon village. Il m’a demandé de me préparer pour la rentrés prochaine, en septembre et m’a donné 500 dinars.
Je me suis retrouvé à l’école de Bordj El Bahri et j’ai signé pour la vie un 9 septembre 1979.
L’écurie de l’école était dotée des plus beaux spécimens. Les plus belles races sont représentés. J’etais choqué au début par la haute taille des chevaux français. Les robes couleur nacre des lippizans et les poneys ! Je passais le plus clair de mon temps dans les boxes et les stalles de l’écurie qui est devenue ma deuxième maison. Je suis sorti major de ma promotion et j’ai reçu mes galons de lieutenant des mains du général major de l’époque. Un homme très vieux qui aimait les chevaux. Monsieur Mesbah était très fier de moi ainsi que mon père et toute ma famille quand je revenais en permission au village arborant mes galons fraîchement cousus.
En septembre 1983 J’ai été affecté à la présidence au sein du bureau détaché du ministère de la défense et on recevaient nos ordres directement de l’état Major. C’était une sorte de cellule d’information implantée par le général Major au sein même de la présidence.
On rendait compte de tout ce qui s’y passait et à l’époque on ne chômait pas . Moi je faisais consciencieusement mon boulot. Il faut dire que je jouissais de quelques privilèges entre autre l’accès à l’écurie de Bordj El Bahri et c’était tout ce qui comptait .
Les années s’égrenaient et je gagnais en galons presque à chaque promotion . J’ai été promu capitaine de la garde républicaine en 1987. A l’époque je venais de me marier Mes supérieurs m’ont offert une maison de maître prés de Ain Taya. C’était parfait pour moi, je n’avais plus à faire de longs trajets je pouvais donc me consacrer encore plus pour les chevaux.

Je dois vous dire que ma passion m’a souvent évité de grands ennuis. Je me mêlais rarement des affaires . J’exécutais tous les ordres sans broncher jusqu’au jour où, Jusqu’au jour où… Le feu m’a tout pris . Toutes les écuries ont pris feu, les étables , le paddock , la grange, le réfectoire . C’était le plus grand crime car ce fut un crime monsieur . Il est impossible vu les dispositions des bâtiment que le feu puisse se propager d’un bâtiment à l’autre sans une main criminelle. Ce soir là monsieur j’ai tout perdu dans l’horreur . Toutes ces bêtes calcinées , personne pour les sauver , Arabi, Tahi, Djamila, je n’oublierai jamais ces chevaux victimes , d’un règlement de compte humain. J’ai commencé par mener une enquête tout de suite après avoir éteint les flammes avec les hommes de la protection civile. Le capitaine m’a signalé une forte dose de dioxine de carbone dans les sacs d’orge.
Je ne m`occuppe plus de chevaux a present. A present j`en reve , chez moi, la nuit quand tout est calme, je me vois chevaucher Arabi sur les plaines de ma terre natale sans me soucier de tout cela.

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