vendredi, août 24, 2012

Heureux celui qui ne sait rien

Heureuse celle qui cherche encore
 Heureux celui qui croit en tout

Heureuse celle qui aime tant de choses

Heureux celui qui est aimé

Et celui qui pense avoir trouvé

Heureux transcende la vérité


lundi, février 07, 2011

A propos du 12


Mes amis, ma chère famille, mes proches compatriotes.

Depuis le 14 janvier 2011 je ne dors plus. Ma consommation de tabac a doublé.

Mon corps a subi une transformation et mon appétit s’est amoindri.

J’ai vécu le 14 janvier 2011 comme une grande joie. Une grande victoire d’un peuple qui reprends en main sa destinée. Ce que je voyais sur les écrans je le vivais comme un implosion interne.

Et j'ai senti la tempête, le grand souffle salvateur me caresser le visage et les cris de ces tunisiens arrachant leur liberté me transperçaient le tympan.

Cette énergie, ce vent de révolte je l’ai senti dans ma chair et dans mon corps. Aucun son, aucune image n’aurait plus de valeur à mes yeux désormais.


Ces tunisiens brimés durant tant d’années ont fini par se lever et reprendre le cours de l’ histoire et ainsi montrer la voie non seulement à tous les peuples du monde arabe mais aussi à toutes les contrées vivant les mêmes malheurs la plupart se trouvant dans l’hémisphère sud.


Aujourd’hui encore ce n’est pas fini pour les tunisiens, bien au contraire. Encore moins pour ces pauvres égyptiens de la place Etahrir. Je leur souhaite d’arriver au moins à ce qu’ont fait les tunisiens.


Mes amis, ma chère famille, mes proches compatriotes. A ceux qui ont le lyrisme facile.

Je dois vous le dire une fois pour toute:

La démocratie et la justice sociale ne sont pas pour demain.

Elle n'éclot pas comme une fleur un beau matin à la tombée de la brume.


C’est un travail de longue haleine. Un travail quotidien qui dure des années voire des décennies.

Les valeurs que je défends et auxquelles je crois ne sont pas encrées dans nos racines.

Nous somme un peuple qui vit encore sous l’époque féodale et qui croit encore dur comme fer à la loi de la jungle et du plus fort.

J’ose espérer que nous valons mieux que cela. Que nous pouvons dépasser cela et nous y arriverons.

C’est certain, à coups de révoltes, de combats. Un peu comme pour les études, il y a le contrôle continu et l’examen final. Notre examen final est encore à venir.


Ce combat prends plusieurs formes et touche tous les niveaux. C’est un combat qui touche la société mais qui touche l’individu d’abord.

Ça commence donc par des individualités, au sein des familles et des amis. Somme nous démocrates entre nous ?


Aujourd’hui encore, plutôt que de défendre des idées et des principes on défend des hommes, des clans et des tribus.

Plutôt que de proposer des solutions innovantes on fait dans le recyclage. On prends par ci par là. On veut faire du copier -coller bête et méchant.

L’idée de s’opposer est saine et louable. Encore faut-il apporter des idées et des solutions concrètes. A part quelques rares voix pour l’instant il n' y a rien ou presque.


Ce rien, ce vide voulu par le régime a coups de brimades, d interdictions et d intimidation. Il faut le remplir aujourd’hui. Il faut réoccuper ce vide et faire un coup d’épaule à cette pseudo opposition qui ne sert que le régime lui même.




Personnellement tout ce qui touche de près ou de loin à ce régime n’est pas crédible à mes yeux. La véritable opposition est à venir. Elle est entrain de naître avec ces jeunes qui regardent ce qui se passe dans le monde arabe et ailleurs et qui sont en train de se regrouper.


En attendant j’irai marcher le 12 février 2011 à la place 1er novembre à Oran par principe.

Je sais que le ciel ne se fendra pas en deux et que l’éclair de la démocratie et la foudre de l’émancipation ne frappera nos têtes ce jour là. Mais j’irai marcher quand même. J'apporterai mon soutien et je me mettrai à coté de tous ceux qui veulent du changement.

Parce que je suis contre ce régime.

Parce que je m'oppose viscéralement à ce qui se passe aujourd’hui dans ce pays.

Le régime en est entièrement responsable par sa défaillance, souvent par son absence et ses agissements irresponsables.

Seuls les aveugles, les sourds et les déficients mentaux pourraient ignorer cette léthargie régnante qui nous mange de l’intérieur.

Au delà des revendications légitimes qui motivent cette marche, Je refuse de me laisser gouverner par des gens incompétents, inefficaces et idiots.

Ils ont failli à leur mission. Ils doivent céder la place.

C'est aussi simple que ça.

Il nous est demandé de mettre sur une banderole une revendication.

Honnêtement je n'ai pas su choisir laquelle de celles qui suivent passe en priorité :

Je voudrai voir une justice indépendante et juste. Un système de santé efficace, une éducation digne de ce nom, une administration saine au service du citoyen, un de liberté totale. Une libre circulation des individus, des idées, des biens et des services, une réelle liberté de culte. Une réelle représentation du peuple.

Au lieu d’une banderole le mieux serait d’investir dans un panneau lumineux avec le texte défilant.


Comme dirait mon copain Djilou en frappant deux fois son poing sa poitrine:


Wa mahma yakoun, Tahya El Jazair lil abad

Quoi qu'il en soit, Vive l'Algérie jusqu'à la fin des temps.

lundi, octobre 25, 2010

Ferdi, la totale

1

Babylone sous le soleil. Lourd comme des cordes d’amarrage. Je laisse passer la fumée en pensant à ce qui m’arrive. Cela faisait vingt neuf ans que je naviguais sans jeter l’ancre.
Mais ce temps lourd me pèse. Je vais avoir du mal à tout déballer d’un coup.
Encore un lampée de café soluble et j’y vais. Le train ne m’attendra pas cette fois-ci. Depuis que je vis à Marseille je n’arrête pas de retourner mon passé dans tous les sens.
Paris Marseille. TGV. Trois en heures.
Tous ces parisiens qui ont débarqué depuis l’ouverture de cette ligne. La flambée des loyers depuis. Pff. Paris me poursuivra ou que j’aille de toute façon.
Ca doit lui faire drôle, à cette petite. Toute cette foule, cette saleté. Le bruit surtout. J’avais pourtant choisi Marseille pour sa mer. Pour lui rappeler la maison de son père. La mer rouge. Le sable jaune.
A moi ça ne me rappelle rien. J’ai grandi au milieu du rien.
Je m’apprête pourtant à la quitter. Pour de bon. Je sais qu’elle n’a pas besoin de moi. Elle n’a jamais eu besoin de moi.
Elle pour qui je me suis battu à coup de sabre. A qui j’ai promis monts et merveilles en l’emmenant en France. Je ne veux plus la voir comme ça, perdre son temps avec un vieux rabougri qui mâchouille du mat toute la journée. Elle guette mon départ depuis un moment . Elle me connaît bon dieu ! Rien qu’à voir comment elle vérifie mes affaires. Mon passeport en douce à chaque fois que je m’absente. Elle a toute la vie devant elle. Une gamine de 22 ans pourra mettre à ses pieds tous les hommes. Je n’ai plus rien à lui offrir. Ma vie est derrière moi et j’ai envie de la finir comme je l’ai commencée un beau jour de novembre.

Je suis né à seize ans le jour ou je me suis enfin décidé à quitter Pont au Ban. J’y suis jamais revenu depuis. La Bretagne .. Cela fait tellement longtemps. J’ai du oublier. Tout ce qui m’est arrivé avant cette date est considéré comme nul et non avenu.
Je m’appelle Ferdinand Kassav de mon nom de baptême.Peu de gens m’appellent comme ça. Depuis le Soudan je suis plus connu sous le nom de Ferdi.
Je me suis embarqué pour la première fois dans ce navire hollandais qui est resté à quai à St Nazaire plus d’un mois pour des réparations. Le temps nécessaire pour que je me décide enfin à quitter ce trou.
J’avais pris la décision d’aller plus loin que la jetée. Comme ça, parce que je m’en sentais capable. Pour fuir l’ennui Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai voulu partir. J’ai sauté dans ce bateau caché dans une cale. L’équipage m’a très vite repéré. Alors ils m’on mis dans une pièce en attendant l’arrivée à Rotterdam.
Le capitaine a accepté que je travaille en tant que commis de cuisine à la fin. Mais ce n’était pas l’avis des autres. Au troisième jour de la traversée alors que nous étions presque arrivés à destination, j’ai senti une forte odeur de gaz pénétrer dans ma chambre. La porte était fermée à clef de l’extérieur. La seule solution pour échapper à l’asphyxie c’était de sauter à travers le hublot.
Je me suis donc retrouvé en mer. J’ai nagé jusqu’au port, ça faisait un bon 2 km. Le bateau était en mouillage.
Le froid glacial de cette eau m’a marqué à jamais. C’est depuis que je porte deux pulls même quand il fait chaud. Une peur psychologique du froid, bien plus forte que toute autre peur.
Arrivé au port de Rotterdam j’étais ereinté. Mais c’était la peur qu’on me retrouve qui prenait le dessus. Je courais sans me retourner.
Il n’y avait rien à faire. Je tremblais. Alors recroquevillé contre un mur d’une brasserie. Je me suis assoupi. Les passants me regardaient sans s’arrêter. C’était la nuit la plus effroyable de ma vie. Je me rappelle encore du froid qui me piquait de partout. Les jambes, les mains, le dos. Mes os, je les sentais brisés.
Au p’tit matin je suis retourné au port. Le bateau était déjà parti. J’étais tranquille.
Après cela j’ai appris à me méfier des hommes et de la mer. Ainsi fut mon baptême.
Après trois mois à errer autour du port de Rotterdam. Je réussis à trouver un bateau en partance pour l’Egypte. C’est là que je voulais aller. Je me sentais des origines égyptiennes. Avec mes cheveux noir corbeau et mon teint couleur d’argile je pouvais quand même passer pour un égyptien.
J’ai réussi à me faire enrôler en tant que commis de cuisine mais cette fois pour de vrai. Le voyage me fut pénible malgré l’entourage qui contrairement à la première fois, fut aux petits soins avec moi. Le chef cuisinier était un vieux cairote, il s’appelait Ali. Il aimait la mer et ses vagues, mais lui préférait sa p’tite maison du delta. Il y vit avec sa grande famille. Il n’arrêtait pas de parler de son patelin « El Fayoum » que ça s’appelle. Si bien que ça m’a donné envie d’y aller.
Eh le petit hollandais ! Pourquoi est ce que tu viendrais pas chez moi une fois arrivé au Caire .Tu verra de tes propres yeux ce qu’est la vie d’un égyptien du sud ? au lieu d’aller courir les putes qui te plumeront avant que tu ne t’en rende compte ?
Personne ne verra que tu es étranger si tu ne fais pas trop de vagues.
J’allais enfin découvrir un nouveau pays.
Arrivé au Caire je débarquais avec Ali. On a pris le bus pour El Fayoum. Le temps était humide et ça jacassait de partout ! C’était la première fois que je voyais autant de monde !
Les rues étaient pleines de voitures et de bus, carrioles qui roulaient en tout sens. Les gens se disputaient dans le bus et ça sentait le cramoisi.
Au bout d’une heure de route nous avons changé de bus pour prendre une piste le long de la rive droite du Nil. El Kahira était derrière nous.
Depuis ce voyage, j’ai nourri une grande tendresse pour tout ce qui touchait de prés ou de loin à l’Egypte.
J’y suis resté trois mois, choyé par ces gens que je ne connaissais pas. Le ‘Plaisir’ ne m’a jamais revu. Ce bateau qui m’a ramené jusqu’à ces gens.
J’avais envie de continuer vers le sud. Longer le Nil jusqu’au Soudan. Mais il fallait des autorisations spéciales qu’il m’était impossible d’obtenir.
Le beau frère de Ali, un homme respectable m’a vivement déconseillé car ça castagnait sec de ce côté là. Il y avait en effet une guérilla frontalière entre les civils soudanais du nord qui revendiquaient une parcelle de terre considérée comme sacrée par la communauté copte égyptienne. C’est là que Saint Joshua, deuxième apôtre à avoir longé le Nil en 57 pour transmettre la parole de Jésus fut enterré. Le chef spirituel du Soudan ‘Hassan El Tourabi’ considérait ce terrain comme le sien. Du fait qu’historiquement sa famille d’anciens propriétaires terriens exploitaient la quasi totalité de la région nord jusque dans les années soixante.
N’écoutant que mon instinct je préparais un léger paquetage pour me diriger vers le grand sud.
A la bibliothèque municipale de St Nazaire j’avais lu beaucoup d’ouvrages sur le Soudan.
Tout un pan de l’histoire était écrit à coup de batailles perdues contre les descendants des pharaons. Ou plutôt ses esclaves.
Ces gens là finalement cherchaient à gagner leur liberté et cela dura prés de trois siècles. Puis vint l’ère islamique et tout ce qui s’en suit.
A cette époque je ne connaissais rien de l’islam ni d’aucune autre religion. J’allais à la messe avec les copains pour draguer. Mais je m’en foutais éperdument. J’y allais a cause de ma mère. Ah ma mère..
Ferdinand reprit une gorgée de son pastis déjà chaud.Les glacons avaient depuis longtemps fondu. Il regarda Taybus pour vérifier qu’il écoutait encore. Ferdinand n’avait pas l’habitude de se confier mais la il avait envie de parler. Voyant que Taybus ne bougeait pas il enchaîna.
-J’étais un petit garçon qui s'appelait Ferdi. Ma maman m'avait appelé comme ça parce qu'elle était amoureuse d'un poète de ce nom. Il paraît qu'il était très connu de son vivant. Le petit garçon que j’étais boudait parce qu'il en avait marre de manger le même plat tous les jours. Ses rêves étaient remplis d'ananas et de crème chantilly. Il avait vu ça à la télé de la vitrine du centre-ville. Il boudait aussi parce qu'il n'aimait pas l’école. Les maîtresses étaient trop laides. Il avait noté que pour aller acheter le pain, elles s'absentaient souvent vers dix heures, pendant la récré du matin, laissant la pagaille en classe s'installer. Parce qu'à onze heures il n'y en avait plus du pain, c'était connu. Alors elles rentraient chacune cinq six baguettes sous l’bras. C'est difficile à imaginer, cinq six baguettes sous l’bras d'une maîtresse ! A ce moment là chaque matin, je me cachais le yeux pour ne pas les voir traverser la cour en file indienne. Cinq six baguettes sous l'bras. Une scène horrible. C'est la faute à la télé ! Me disais-je. Les vieilles dames en tailleur rose, cheveux aplatis sous un serre-tête et le rouge à lèvres effacé, la voix enrouée, ce n’était pas gai. Toutes ces dames, ces maîtresses d'école étaient de grosses vaches un point c'est tout.
Taybus a senti qu’il fallait se lever sinon Ferdinand allait enchaîner encore sur une autre série de palabres. C’était l’heure d’aller chercher les filles a la gare.
-Amigo je dois partir chercher des amis, on se voit peu être ce soir ?
-Ok Taybus a tout a l’heure, laisse c’est pour moi dit Ferdinand
2

Michelle n’est pas vraiment belle et Marie le savait bien. Il lui faudrait davantage de soins pour arriver à satisfaire les besoins esthétiques de son homme gavé d’images callipyges.
Il lui faudrait beaucoup de sport aussi et une hygiène de vie exceptionnelle afin d’effacer ses cernes creusés par des années de beuveries. Que pouvait-elle faire pour Michelle ?
Des chats à fouetter elle en avait en pagaille. Elle même n’était pas exceptionnelle mais savait manipuler les hommes et obtenait d’eux tout ce qu’elle voulait. Marie voudrait bien inculquer à Michelle quelques notions de base ; le comment du pourquoi, le B.A.B.A, le protocole de séduction femme homo sapiens.
Michelle est une sauvage. Incapable de supporter la moindre autorité y compris ses parents.
Marie n’a pas fermé l’œil de la nuit. L’ombre d’Ismaël hantait ses rêves depuis des jours déjà. Il fallait fuir avant qu’il ne retrouve sa trace. Elle prépara une valise en vitesse l'air bien décidé.
Désormais c’est fini Paris !
-Michelle réveille toi ! Michelle ! Allez on part réveille-toi !
-Arrête je me suis couché à cinq heures
-Faut qu’on y aille la on a juste le temps allez ouste !
-Mais heu..
-Il n’y a pas de mais heu on part ! On se casse c’est plus possible Paris ! On prend le train à 14 Heure. Taybus nous attendra. C’est notre seule chance. Treize Heures, gare de Lyon. On arrivera à Marseille à 17 heure. Y a plus rien à faire ici. Tout Paname nous doit de l’argent !
-Allez un p’tit cahwa et on en s’en va !
Le train fut pris de justesse. Voiture 16. Assises devant un couple de sexagénaires ahuris par les deux jeunes filles sapées comme pas possible et leurs chevelures hirsutes qui leur donnait l’air de sortir de prison. Le temps commençait à s’embellir à mesure que le train avançait vers le sud. Michelle très vite rattrapée par le sommeil abandonna Marie et le couple de sexagénaires qui ne tarda pas à engager la conversation malgré une petite réticence. Il fallait bien passer le temps.
-Vous allez à Marseille même ?
-Oui et vous ?
-Nous nous arrêtons à Avignon pour passer quelques mois à l’Ile de la Barthelasse vous connaissez ?
-Non.
-C’est une très jolie ville située juste à côté d’Avignon répliqua la dame qui semblait parler du fond d’une caverne.
-Avignon, il y a un festival de théâtre las bas ? Moi j’aime le théâtre, je voudrai devenir comédienne.
-Avec votre physique vous n’aurez pas de souci pour ça
-Oui mais dans ce milieu faut des coups de pouce pour y arriver !
-Il faut des coups de pouces partout ma fille
-Mon neveu est magasinier au Chien hurlant, c’est un petit théâtre situé sur l’avenue de la République à Avignon. Il pourrait vous aiguiller si vous voulez. Je vais vous donner ses coordonnées.
-Oui pourquoi pas.
-Il s’appelle Ferdinand voilà son numéro. Il sortit un petit calepin rouge du revers de sa veste et mis un bon moment à chercher son Ferdinand. Ferdinand… Ferdinand…
A ce moment la le contrôleur arrive et leur demande leurs billets. Le contrôleur ressemble comme deux gouttes d’eau à Christopher Lee, l’acteur qui incarna Dracula durant des decennies ! Il avait en plus une chevalière en or et les cheveux teintés en noir corbeau gominé impeccablement à l’arrière. Michelle roupillait tranquillement au fond de son siège il y faisait doux ce qui favorisait la création d’un beau scénario pour un rêve. Les mots prononcés par le couple de vieillards et Marie s’inséraient séquentiellement dans son rêve. Ferdinand, Ferdinand, Ferdinand, ce prénom est arrivé dans son histoire et lui évoquait une gare, Ferdinand de Saussure, Ferdinand Céline ?
Son rêve ne faisait que commencer, en pointillées, un de ces rêves qui n’en finissent pas.
Mais arrivés à la gare d’Avignon le couple de vieux se lève et salue puis quitte précipitamment le wagon : « n’oubliez pas Ferdinand ! Il vous aidera j’en suis sûr ! »
Marie n’ayant plus de partenaires causette essaya de réveiller son amie :
-Allez debout ! Ça fait quatre heures que tu piaute ! Allez allez ça suffit !
- Putain lâche-moi un peu, je n’ai pas dormi de toute la nuit et puis vous m’avez soûlé, toi et les deux croûtons. C’est qui Ferdinand ?
-C’est leur neveu, il habite à Avignon et pourrait nous tuyauter sur des plans…
-De quels plans tu parles ? Encore tes histoires de théâtre ? Et je veux devenir comédienne nanana.. C’est pour les bourgeois ça c’est pas pour nous. Toi t’es née à Verneuil S/seine n’oublie pas ça et puis t’es pas super gaulée tu sais bien.
Son réveil brutal la rendait irritable. Elle se vengeait comme elle pouvait de sa camarade de galère.
Quelque temps après La gare St Charles les accueillait. Le soleil frappait fort sur les marches de la gare dévalées à toute vitesse par les deux jeunes filles. Taybus les attendait au Cours St Charles dans son bar préféré, il était déjà à son cinquième Pastis quand Michelle traversa le pas de la porte. Au dessus traînait un grand poster de l’OM écrit en dessous ‘ OM je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai’ C’était lendemain de match, le bistrot était quasi vide. Un vieux marocain sirotait un café au comptoir et répétait toujours la même phrase à intervalles réguliers « Marseille ! Pas de travail ! Que maçon, les ordures et le restaurant ! ‘’ Personne ne faisait attention à lui, personne ne lui répondait.
Taybus est un jeune homme plein de vitalité. Il a quitté Paris voilà deux ans pour les beaux yeux de la Cannebière et depuis se sent chez lui ici ou tout le monde est étranger. Ici tout le monde est immigré. Il a connu les filles sur les bancs de la fac de sociologie à l’époque ou il était encore étudiant. A présent il est dans le business, dans les affaires, dans le show business. Toujours est-t’ il qu’il était ravi d’accueillir Michelle et Marie sous son toit.
-Bienvenue à Marseille ! C’est le cœur du poulet ici !
-T’es arrivé hier et voilà que tu fais déjà ton Marius dit Michelle tout en l’embrassant
-Ca va les filles ? Une p’tite douceur pour vous requinquer ? La soirée va commencer.
-On va ou ? On fait quoi ? dit Marie.
-On va chez un ami à côté d’Aix, il organise une grande bouffe avec plein de gens intéressants.
-Et c’est quoi intéressant ?
-Tu verras…
En sortant du bar, le vieux marocain prit la main de Taybus et le fixa avec ses yeux verts en lui assenant une dernière fois, sans doute pour la route.
Marseille ! Pas de travail ! Que maçon, les ordures et le restaurant !


Au bout de vingt minutes de routes sur une piste en pleine forêt, ils arrivent sur un champ qui donne sur une petite maison d’où proviennent des espèces de hurlements.
C’est là que ça se passe mes p’tites chéries dit Taybus.
Il y avait deux tribus dans l’assistance selon la classification de Marie : Ceux qui s’assoient par terre et puis les autres, les fashion victimes. Elle évite soigneusement de se mêler à ceux qui s’assoient par terre car avec eux rien de bon, les djembés, la beue et les pantalons africains, il n’y avait rien de bon avec eux, elle a grandi avec eux, elle connaît bien ce milieu. Elle se mêle à un attroupement derrière la maison ou une chaude discussion se tenait.
-Tu crois vraiment que Michael Jackson se tape des gamins ? Moi je pense qu’il est détraqué c’est tout.
-Oh! Tu sais il n’y a pas de fumée sans feu.
-T’as vu son interview ? Il porte une chemise rouge et as des yeux de Bambi il est vraiment touché quand il raconte qu’il a subi des sévices de la part des flics.
-Tu ne vas pas le plaindre quand même ! C’est un des gars les plus riches de la terre.
-Oui peut être mais il se tape des gamins quand même.
Histoire de s’immiscer dans la discussion et de faire bonne figure Marie intervient
-Vous savez comment on appelle la bite de Michael Jackson ?
Tout le monde se retourne pour voir d’où venait cette voix frêle….
-Eh ben la vérité parce que la vérité sort toujours de la bouche des enfants..
Un grand silence souligne souvent un bide. Tant pis. Marie essayera un autre groupe. Elle repart en imitant le roulement de batterie qui finit les blagues dans les shows américains
‘‘tt tsss’’
Taybus et Michelle sont en pleine préparation du barbecue. Les feux d’une voiture qui arrive au loin éclaire la prairie. Ca fait comme un jeu de lumière. La voiture se gare à côté du barbecue, en sort quatre personnes bien habillées dont Ferdinand. Il a été invité à la dernière minute par l’hôte de la maison, Max qui est un ami d’enfance avec qui il faisait les marchés de province pour vendre leur savon artisanal.
Michelle l’a tout de suite remarqué. Ses cheveux longs et sa grande taille, son survêtement blanc immaculé, un survêt de soirée Lacoste bien sûr. La bise et les présentations faites. Michelle réfléchit. Comment s’y prendre ? Comment attirer son regard ? Comment l’appâter ?
Marie continue en vain ses tentatives d’intégration. Elle en était à suivre une discussion sur le destin des musiques folkloriques en France. Tout le monde trouvait que les Fabulous Troubadours étaient…Fabuleux. A l’intérieur de la maisonnette trônait une batterie digitale et quelques instruments éparpillés. Sur la mezzanine un couple squattait le matelas en feuilletant de bandes dessinées. L’huile d’olive empestait. C’est l’heure de l’apéro et les tartines au pistou. Taybus comme à son habitude est bardé de musique. Il intervient ponctuellement pour régler la sono ou changer de CD. Que des nouveautés, des musiques venues d’ailleurs que personne ne connaît et que tout le monde trouve formidable.
Oh c’est carrément génial ! C’est qui ? Magic Malik ? C’est mortel les oiseaux au début du morceau
Ferdinand et ses amis s’installent à l’entrée sur les chaises en plastique. Se sert un verre de rhum à ras bord et entame une roulade de cigarettes. Marie l’aperçoit à son tour. Sans hésiter, elle s’approche de lui et emploie tout son charme pour lui dire quatre mots.
-Salut moi c’est Marie.
-Salut moi c’est Ferdinand. Tu es une amie à Max ?
-En fait l’amie d’un ami. Je suis venue avec Taybus.
Ferdinand est un homme silencieux. Il ne parle presque jamais. Marie le tenait telle une proie en le submergeant de regards lascifs. Il savait qu’il lui plaisait et que sans doute elle finirait dans son lit cette nuit s’il le désirait mais Ferdinand n’est pas comme ça. Ce n’est pas un easy lover.
-Qu’est ce que tu fais dans la vie ?
-Aventurier des temps modernes
-C’est un métier à plein temps ?
-Mais là je suis aux Assedic. Il n’y a plus de boulot pour des gens comme nous par ici.
Marie le regardait bouger ses lèvres. Sa bouche entrebâillée laissait apparaître une dentition impeccable
-Pour un aventurier t’as de belles dents.
-Pourquoi je devrai les avoir jaunies et pleines de caries ? Je ne sais pas moi, en général un aventurier ça fume le cigare, ça se brosse les dents tous les trois mois, à l’eau de mer. Je sais pas … Ca t’es déjà arrivé de dégoupiller une grenade avec les dents ?
-Non mais je m’en sers comme décapsuleur pour la kro.
Marie voulait en savoir plus. Elle poussa l’interrogatoire plus loin sans résultat. Les réponses laconiques de Ferdinand finirent par la décourager.
-Pff pour qui il se prend ce mec ? Hannibal de l’agence tout risques ou quoi ?
Taybus poussa le volume de la musique un peu plus fort, prit Marie par la taille et la fit tourner mais elle n’était pas réceptive. Son esprit a été conquis par cet homme au teint gris et à la chevelure d’argent. Elle s’est soudain rappelée les petits vieux du train et leur neveu Ferdinand.
-Dis-moi Taybus, tu connais Ferdinand ?
-Hmm.. Oui pourquoi il te plait ? A peine arrivée tu fais ton marché
-Ta gueule. Est-ce qu’il habite à Avignon ?
-Oui comment tu sais ?
-Longue histoire. Parle-moi de lui
-Je ne le connais pas super bien mais c’est un pote à Max le graphiste. Je bricole avec lui. Il m’a appelé une fois pour bosser sur des projections pour une pièce de théâtre un peu zarbi genre engagé politiquement et tout. Tout ce que je sais; c’est qu'il revient du Soudan. Chez lui il y a plein de livres et de gravures du Soudan. Il m’a hébergé pendant le week end ou je bossais. Apparemment il vit tout seul, pas de femme, pas de chien. Mais tu pourrais demander à Max tu vois le gars chauve avec un T-shirt jaune ?
-Non mais oublie c’est bon
-T’inquiète. Max ! Max ramène ta fraise !
-Max se retourne et aperçoit Taybus et une silhouette de femme. Sa visibilité est déjà altérée, il plissait donc les yeux mais rien à faire. Il se dirigea alors vers Taybus et Marie en prenant la démarche d’Aldo Maccione. Il chopa une orange de la corbeille de fruits posée sur la table du jardin. En arrivant à un mètre de distance de Marie il lui lança l’orange qui atterrit sur un pot de fleur en passant par-dessus l’épaule gauche de Marie.
-Max Marie, Marie Max dit Taybus
-Bienvenue dit Max tout en lui faisant une révérence t’es venue toute seule ? Tu dors ou ? Qu’est ce tu fais ?
-Chassez le reloud il revient au galop dit Taybus
-Hé petiot chez nous on dit pas reloud ! Chez nous on dit lourd, baltringue ou Fada si tu veux mais les expressions de parigot à la mord moi le nœud tu oublie !
-Ca tombe bien parce que mon amie ici présente vient de Paris justement
-Oups dit Max. La boulette. Mais c’est pas grave moi j’aime tout le monde !
Marie ne suivait déjà plus la palabre. Elle a reçu un SMS bien inquiétant.
‘ Marie je te retrouverai et je t’exploserai la cervelle’
Elle savait que c’était un message d’Ismaël. Elle était bien contente d’avoir quitté Paris. Tout est si différent ici. Elle a laissé derrière elle un univers violent. C’est vrai que la vie à Paname a du style. Mais tout se paye. Demain il faudra changer de puce de portable.
En voyant l’expression de son visage, Taybus s’est rendu compte que Marie était préoccupée. Il coupa court aux délires de Max.
-Mon amie s’intéresse à Ferdinand. Raconte-lui son histoire sur le Soudan, le bateau tout ça.
-Non mais t’a pris confiance ? dit Max, un peu vexé que ce ne soit pas lui l’objet de ses désirs.
-Arrête. Elle veut faire du théâtre et je voudrai que tu la branches avec Ferdinand. C’est tout
Ca je peux faire sans avoir à déballer la vie de mon pote. Y a pas marqué Voici.
-Non mais on a échangé quelques mots, mais vraiment quelques mots dit Marie.
-Ferdinand c’est mon frère. C’est un gars tu vois, y en a pas deux. Tu verra je t’emmènerai chez lui c’est la meilleure façon de le connaître. Amuse-toi pour le moment. Chaque chose en son temps.

La fête s’essouffla vers quatre heures du matin. Le soleil commençait à montrer ses dents lorsque Michelle déclara forfait. Elle se dirigea vers la mezzanine quand elle fut happée par Max. Ils finirent tous les deux allongés sur le toit. Le chien de la maison hurlait à la lune sans doute perturbée par tout ce monde et ces vibrations sonores agaçantes pour une pauvre bête.
Goutte à goutte la maison se vida de ce beau monde et au petit matin, Il ne restait plus que Marie, Taybus, Michelle et Max. Ferdinand fila à l’Anglaise.












3

Ils étaient trois à dormir par terre. Le lit servait aux couples généralement et comme il n’y en avait pas Taybus décida la veille de loger tout le monde à la même enseigne. Quand il ouvra les yeux. Il était entouré par Michelle et Marie et se disait qu’il avait quand même de la chance de dormir entre deux belles jeunes filles.
La fenêtre de son appartement restait entrouverte. Elle laissait donc passer de l’air et des mauvaises vibrations. Le bruit des assiettes et des couverts de l’ensemble des restaurants situés juste en bas et puis cette musique mécanique, cet accordéon déglingué qui crachait toujours le même air. Taybus a beau gueuler et se plaindre aux patrons de cette nuisance mais il n’y avait rien à faire. Le coupable était un indien qui campait la rue du matin au soir. Il fallait faire avec.
Il s’habilla en vitesse et sortit acheter du pain, du lait et des pamplemousses car il savait que Marie aimait ça. Il prépara le petit déjeuner en sifflotant. Une belle journée commence toujours en sifflotant.
Les filles émergeaient tout doucement. Elles se levèrent et entreprirent de faire le ménage dans la chambre.
-Laissez les filles, je m’en occupe Allez plutôt à la douche, on a une journée chargée.
-C’est quoi le programme dit Michelle ? Moi j’ai pas envie de bouger je suis claquée par le voyage.
-On va à Avignon, j’ai un boulot à faire las bas et puis je finirai tard je pense qu’on y passera la nuit. Tu sais chez ton pote Ferdinand
Marie fit mine de ne pas réagir.
-Il vous faudra une tenue un peu sport parce que vous allez transporter du matériel avec moi. Bon allez ne traînez pas trop. On est parti dans vingt minutes !
Taybus démarra la voiture et klaxonna trois fois avant que les filles ne daignent apparaître. Il fit vrombir sa voiture et prononça ces mots étranges
Set the control for the heart of the soul
La route ne fut pas très longue. Un demi album des Velvet Underground et ils sont arrivés. Ferdinand leur a fait signe de monter.
L’entrée de l’appartement laisser entrevoir une vaste pièce presque vide. Il y avait des matelas entreposés contre le mur et recouverts de draps rayés en bleus. Les murs étaient blancs et une forte odeur de musc s’imposait. Debout au milieu de la pièce Ferdinand écarta les bras.
-Voilà c’est ici que ça va se passer. Il faut juste coller ce poster sur le mur et tu t’occupes du reste. Je vais chercher le maître.
-Bon les filles voilà les clés du coffre vous me déchargez tout ce qu’il y a dedans et vous le déposez là.
Ferdinand revint avec un homme noir de petite taille habillé tout en blanc. La tête couverte et les pieds nus.
-Je vous présente le maître. Voilà Taybus, Michelle et Marie.
Michelle est restée bouche bée à contempler cet étranger venu d’un autre monde, couvert simplement d’un drap blanc. Quant à Marie elle voulait tout de suite savoir de quoi il en retournait.
Le maître s’approcha de Taybus et lui prit la main, lui adressa quelques mots au creu de l'oreille. L'air ambiant devint électrique et tous les bruits de l'appartement s'estompèrent. Le chuchotement distinct du maître envahit la pièce. Le message paraissait important. Les deux jeunes filles regardaient le maître avec ébahissement et guettaient l'une et l'autre le moindre geste qui pouvait les guider dans leur compréhension. La transmission du message semblait importante tant par sa longueur que par les minutes de silence qui en découlait. Et Marie ne tarda pas à rétorquer
-Mais enfin de quoi il s'agit? S’adressant directement a Taybus.






4
Par la musique que Taybus choisit; les filles comprirent que ce n'était pas le moment de jacter.
Il était blême et regardait droit devant lui. Arrivés à l’appartement, il prononça ces phrases sans discontinuité et dans un rythme à trois temps, ça a commencé depuis qu'ils jouaient à la marelle avec Michelle dans la cour d’école, il faisait cela à chaque fois qu'il voulait la narguer

Les filles je sais..pourquoi vous êtes là
je sais pourquoi..vous êtes recherchées
Partout en France..par Ismaël,
il m'a appelé..il y a deux semaines,
il était fou..fou fou de rage,
ce que vous avez fait..moi je m'en tape,
je sais une chose..c'est qu'il finira
un jour ou l'autre..par vous retrouver

Il arrêta sa chanson en voyant que les filles commençaient sérieusement à paniquer.
- Je vous propose de prendre le bateau avec moi, on doit emmener le vieux en Afrique. Ferdinand vient aussi. On part dans deux jours.
Marie n'écouta que ces mots "Ferdinand vient aussi"
En se tournant vers Michelle qui faisait tournoyer sa mèche comme d'habitude comprit que ce n'était même pas la peine d'en débattre.
- Mais où on va ? On n’a même pas nos passeports?
- Pas besoin de passeport, prenez juste vos affaires, demain je vous emmène faire des courses.

Le lendemain matin Taybus et les filles reprirent la route. Marie et Michelle trop sonnées par cette heure matinale ne demandèrent même pas la destination. A travers les vitres de la voiture, Michelle s'émerveillait de lire en espagnol les plaques des villes et des cafés.

-C'est l'Espagne ici ou quoi?
-Non c'est Santa Maria del Mar, Camargue dit Taybus
- Ah..

Une moto. Un jeune homme, torse nu et les cheveux brûlés par le soleil s'est approché en faisant signe de le suivre.
Après quelques minutes à se frayer un chemin parmi les badauds de la ville, la voiture et la moto achevèrent leur slalom devant une barrière et un panneau indiquant l'entrée d'un mas.
Des chevaux campaient devant et une montagne de zodiacs dégonflés trônait sur la cour.
Le jeune homme les pria d’entrer, un homme, debout, les attendaient.
-Ah Taybus! Enfin arrivés, vous devez avoir faim, tu sais quand tu m'a appelé j'ai juste eu le temps de tout préparer. Venez asseyez vous, Soumia vous a préparé un super gueuleton. Ça va vous requinquer!
-Pablito, t'as toujours cette vieille casquette! Soumia est la? dit Taybus
- Oui oui entrez entrez moi j'ai deja mangé.

Le vieux maître s'est excusé quelques minutes, une fois réapparu tout le monde est enfin passé à table. Michelle remarqua la nappe impeccable, la vaisselle et les couverts en bois, l'odeur de la viande et du riz envahissait le salon.

-Les gars vous savez que vous avez une chance de gagnant de loto? Le sardinier n’a pas pu partir à cause des grèves. Tout le monde était mobilisé.
-T'as toujours le même rade ?
- Non je me suis payé le must maintenant, je peux aller avec jusqu'en Norvège
-En Norvège y a pas de sardines Pablo! dit Soumia
-Ha on ne sait jamais, y en as plus déjà beaucoup dans notre coin alors.
-Bon c'est cool, on pourra dormir au sec la au moins demanda Ferdinand?
- Tu vas voir, le Phocéa à coté c'est un felouque, prenez juste de quoi vous mettre au chaud.

Après le repas, tout le monde regagna sa chambre. On se coucha assez tôt pour affronter le lendemain
5



Les mains derrière la tête, en regardant la mer et Ferdinand qui rebandait la tête du vieux maître, Michelle répétait tout doucement
-Rarara rororo ririri, rarara rororo ririri, rarara rororo ririri
-Qu'est ce que tu fais Michelle? demanda Marie
- Je travaille à rouler les r répondit Michelle Parait qu'on débarque en Algérie
- Comment tu sais ça toi?
- J'ai entendu les pécheurs parler en arabe, mais pas l'arabe d'Ismaël, j'ai reconnu le mélange de français et d'arabe de tata Ourida tu te rappelles? Et crois moi y avait beaucoup de r roulés alors s'il faut qu'on aille vivre las bas pour échapper à ce malade d'Ismaël moi je veux bien apprendre à rouler les r
- T'es bête va, tu travaille plutôt ta chocote ouais, mais on va pas aller vivre las bas qu'est ce tu raconte c'est juste temporaire.
-D'accord... rarara roro ririri, rarara roro ririri


Marie tournait en rond pendant une bonne demi-heure et finit par s'approcher de Ferdinand et du vieux maître
-Il comprends le français?
-non répondit Ferdinand
-alors comment vous vous parlez?
-dans sa langue
-et sa langue c'est ?
-soudanais
-on va au Soudan?
-non, enfin pas pour l'instant, on passe par l'Algérie, à Oran.


"Marquer les pas un deux, ancien combattant de la noutsouké.." fredonnait Taybus. La mer était incroyablement calme et on pouvait apercevoir ces fameux gros poissons accompagner le bateau. Le capitaine montrait à Ferdinand sa nouvelle acquisition; un GPS portable.

-Tu vois avec ça plus besoin de charger, la batterie peut tenir une semaine au moins en plus c'est waterproof.
-ça ressemble plus à un portable dit Ferdinand
-t'inquiète, avec ça je t'emmène jusqu'au bout du trou du cul du monde sans me perdre..

La traversée se passait ainsi, le bruit de la mer donnait le la. Durant les deux jours Taybus n'as pas bougé, recroquevillé à l'intérieur de la minuscule cabine aux cotés du maître, assis tailleur sur l'unique matelas recouvert du tapis de prière du capitaine. Malgré ses vomissements répétés il gardait le sourire.
"J'ai pas trop le pied marin vous savez" il répétait cela à chaque fois qu'il avait la tête par dessus bord.
Il eut très peu de contacts avec les pécheurs à bord, le regard des quatre marins et le raïs semblait dire qu'ils étaient là pour travailler.
Le plus vieux d'entre eux, après avoir vu le va-et-vient de Taybus est entré avec une bouteille en plastique jaune à la main, il la tendit à Taybus en lui faisant signe de boire.
"Tiens, bois c'est bon pour la mer" puis s'est assis et commença à parler tout en ouvrant une boite de tabac à chiquer.

-Vous savez moi je navigue depuis seulement quatre ans, avant je travaillais dans l'administration égyptienne, puis j'ai trouvé du travail dans un hôtel à Sharm El Sheikh, je suis resté quelques années las bas. Le salaire était bon mais les touristes...
Il s'arrêta un moment pour enlever la vieille chique collée à sa gencive.
-les touristes.. Je ne voulais plus faire le larbin, je préfère aller pécher la sardine plutôt que de supporter ces fous..

D'un geste, comme par magie, il fit disparaître sa boule de chique.

-Mais maintenant depuis qu'on travaille pour Pablo les touristes me rattrapent en pleine mer!

Marie n'écoutait pas vraiment, comme d'habitude dés qu'un homme lui déplaisait où qu'elle se sentait gênée, sa vision prenait le dessus.
Un amas de vieux journaux espagnols servait à bloquer la porte de la cabine. La seule chose neuve qui subsistait était ce gps dernier cris que le capitaine n'arrêtait pas de tripoter. Le troisième pied de la petite table était calé sur un gros cube recouvert d'un plastique vert. Marie s'est approchée plus prés du cube. C'était en fait trois gros livres collés par le temps et le sel de la mer: Charles André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord, Wuthering Heights et un livre pour enfant.
Sur la paroi était collée une vieille photo d'un joueur de foot inconnu et une assiette sur laquelle étaient dessinés un bateau à voile et un paon.

Le maître semblait immobile, assis dans un coin, de blanc immaculé faisait tache au milieu de toutes ces vieilleries rococo. Quand à Ferdinand il semblait partir loin dans ses pensées, ou était-il vraiment se demandait Marie.

Ainsi, durant cette traversée; Marie, Anne, Ferdinand, Le vieux maître et Taybus, engagés dans cette traversée; se laissèrent chacun emporter par un second périple, celui là plus profond, en silence et solitaire.

6

A la vue de la côte algérienne Michelle courut alerter Marie
-Ca y est c'est l'Algérie!
-Oui dit sobrement Ferdinand
-Mais ça ressemble à la grande motte, c'est pas très différent de la France dit Michelle
-T'es bête dit Marie c'est la méditerranée, partout ou tu ira ça sera pareil.
En s'approchant un peu plus de la côte, à cinq kilomètres environ, le bateau se dirigea vers une petite île, s'enfourna à l'intérieur et accosta sur le minuscule petit port abrité par les vallons. L'île était envahie de mouettes, un bruit incessant de croissements agassait Marie. Le ciel était couvert de ces oiseaux.
-On dirait Hitchcock dit Michelle !
-Nous allons déposer le vieux maître sur l'île c’est plus prudent, le temps de faire les papiers ensuite nous irons à Oran.
-J'ai pitié pour le maître avec tout ce bruit, j'espère qui il n'as pas vu les oiseaux.
Un vieil homme barbu se tenait debout en haut du vallon. Une fois le bateau accosté il monta à bord et salua l'équipage. Le vieux maître avait déjà ramassé son paqueton et descendit de bord avec Ferdinand. Marie les vit remonter le vallon vers une petite maisonnette.
Une demi-heure plus tard Ferdinand redescendit et regagna le bateau.
-C'est bon On peut y aller capitaine!
Marie s'approcha de Ferdinand et le fixa d'un air interrogateur.
-Ne t'inquiète pas dit Ferdinand le vieux maître ne va pas s'éterniser ici c'est l'affaire de deux trois jours, le temps qu'on lui fasse les papiers nécessaires. Il est à l'abri ici avec Sofiane qui s'occupera de lui, je lui ai donné assez d'argent pour le faire.
Le bateau fit une manoeuvre compliquée pour ressortir des entrailles de l'île et se dirigea vers le port d'Oran. On traversa la jetée assez rapidement. Marie eut juste le temps de lire le nom des gros bateaux céréaliers et paquebots accostés. On gagna le vieux port de pêche au fond du port qui n'abritait que des petites barques de pécheurs.
Un officier des douanes acceuillit les passagers. Le capitaine lui remit les papiers et les passeports des passagers à bord. Il revint un quart d'heure plus tard et les salua leur faisant signe de descendre.
Ferdinand prit son portable et changea de puce. Il appela avec Mocho son fidèle taxi qui arriva en un très cours laps de temps. Marie devina la voiture aux incessants coups de klaxons qui retentissaient de derrière l'entrée du port. Elle se demanda comment une voiture aussi vieille pouvait encore rouler, elle était toute rouillée de partout mais avait des enjoliveurs neufs. Une grande bannière représentant le drapeau algérien couvrait le pare brise arrière. Un pompon en forme de dauphin était accroché au rétroviseur central et des autocollants de plongée sous marine se disputaient le peu de place qui restait sur le tableau de bord.

-On va à la maison ? demanda Mocho
-On ne peut pas aller manger d'abord ?retorqua Taybus de derrière j'ai une faim de loup j'ai rien béqueté durant tout le voyage.
-Bon d'accord dit Ferdinand. Mocho emmène-nous au Corsaire.
On s'attabla à la terrasse du restaurant qui dominait la place de Sidi El Houari. On commanda une grande quantité de mélange de poissons et de crevettes grillées. Taybus fit une razzia, Marie et Michelle mangèrent comme elles pouvaient et Mocho discutait avec Ferdinand.
-Mocho connait une épave qui date de 1850 il nous propose une sortie en bouteille demain matin si la météo le veut bien. Ca vous dit de plonger sur une épave?
-Oui ! S'exclama Michelle moi j'ai déjà mon brevet de plongée quand j'étais à la grande Motte j'adore ça.
-D'accord. Aujourd'hui je m'occupe des papiers du maître. Vous vous reposez à la maison et demain matin je vous réveille.
Après ce copieux déjeuner, Mocho les emmena vers les hauteurs d'Oran, Vers une vieille maison peinte en vert sur deux étages. Une vieille dame les accueillit, les embrassa comme des bambins et leur montra leur chambre. Ferdinand s'éclipsa avec Mocho peu de temps aprés.


7

Marie et Ferdinand ont croisé Mocho très tôt le matin. Le gps jaune qu'il chipa au capitaine à la main, Taybus ne perdrait jamais le nord, s'il fallait le faire; il n'y arriverait même pas. Seulement, il ne savait juste pas l'utiliser.
Mocho, ce jeune agneau venu tout droit de sa pleine canastelloise, imbibé d'azote des profondeurs et amoureux éternel des fonds marins et de la danse aux badèches les emmena sur son vieux glisseur vers le point 18, le point gps ou se trouvait un vieux navire échoué il y a plus de cent cinquante ans.
Le ciel était couvert d'une brume matinale qui masquait encore le beau temps qui se faisait toujours désirer de bonne heure.
Le glisseur voguait à tout va sur les petites vaguelettes. La mer était calme. Pourtant les gerbes d'eau envahissaient le glisseur à chaque grosse secousse. Taybus qui n'était vraiment pas fait pour le grand large se prenait toute l'eau, il était mouillé de la tête aux pieds. Il faisait sa grimasse de mécontentement.
-Viens par là Taybus dit Mocho prends ma place tu prendra moins d'eau.
-Je dis pas non répondit Taybus.
-A voir les jerricans d'essence on va loin ? Demanda Michelle.
-On va rendre visite au vieux maître On en profite pour faire une petite plongée dit Ferdinand Tout le monde sait nager ici?
Un grand oui retentit alors.
On alla chercher le vieux maître qui semblait heureux de voir du monde puis on se dirigea vers le point 18 la ou se trouvait l'épave.
Mocho scrutait le sondeur et manoeuvrait le bateau avec justesse. L'appareil indiquait la profondeur et la présence d’un corps en mouvement.
Tu vois Michelle regarde la y a un gros poisson ça doit être un gros mérou ou alors un raie qui traîne.
Ferdinand tu peux envoyer l'encre, on y est.
Ferdinand tira l'encre du devant du bateau et laissa glisser la corde jusqu'à ce que l'encre toucha le fond.
Mocho arrêta le moteur, tira le cabas et distribua les tenues de plongée. En tendant la tenue à Taybus, il fit un signe de la tête
non moi je reste ici avec le maître j'ai de quoi m'occuper.

Il ouvrit son petit sac à dos d'ou apparaissait le goulot d'une bouteille de vin blanc.
On prit tout son temps à mettre sa tenue. Les bouteilles et le gilet furent jetés à la mer.
-Allez on y va dit Mocho
Il plongea le premier, puis ce fut le tour de Ferdinand qui prit le temps de se mouiller la nuque et habituer son corps à la température de l'eau. Puis ce fut Marie et Michelle qui plongèrent en même temps pour se donner du courage.

Taybus se retrouva seul avec le vieux maître à bord. Il lui fit un grand sourire et tira sa bouteille avec un verre en plastique. Il tira un camembert l'ouvrit et le découpa en petits dés. Il le présenta au maître qui refusa poliment. Le vieux se déplaça vers l'avant du bateau comme pour laisser de l'espace à Taybus. Taybus ouvra sa bouteille et mit ses écouteurs. Il se versa un grand verre et s'allongea à demi sur le bord du glisseur.
Hay weddi weddi ...la belle vie!

Taybus eut le temps de finir sa bouteille et son fromage et de s'endormir quand retentirent les bulles d’air, signe que les plongeurs remontaient.
Tout le monde remonta a bord et Mocho mit les gaz vers l'île Plane
-Alors comment c'était? Demanda Taybus
-C'était magnifique répondit Marie.
-Regarde ce qu'on a rapporté!
Ferdinand sortit de son sac de plongée une roche noire en forme de cercle, il gratta le coté avec un tournevis.
-Regarde! Ca vient de Londres.
Une inscription apparaissait « St James London »
Mais c'est quoi ? Demanda Taybus
C'est un hublot qu'on a ramassé de l'épave dit Mocho je vais le nettoyer tu vas voir c'est tout en bronze. Il y a encore la vitre dedans, bon elle est un peu abîmée mais ça fera l'affaire.
Tu te rends compte ça date de 1850 dit Ferdinand il montra la pièce au vieux maître en racontant l'histoire de l'épave.
C'est un bateau anglais qui venait de Londres vers Oran. En arrivant vers l'île Plane l'équipage fonça dedans car à l'époque il n'y avait pas de phare et l'île n'était inscrite sur aucune carte. Les deux tiers de l'équipage périrent et le reste regagna l'île à la nage. Ils restèrent trois jours à manger des racines et des oeufs de mouette et à allumer des feux. C'était le temps nécessaire pour que la mer se calme et que les oranais puissent venir les chercher.

On se posa sur la colline surplombant l’île, on y organisa un petit pique-nique, Tout le monde était content de cette journée ensoleillée. Puis ce fut le départ. Ferdinand embrassa le vieux maître en lui promettant de revenir le lendemain le chercher avec les papiers.



8
Ferdinand prit contact avec un agent préposé à l'accueil des étrangers. Celui-ci le dirigea vers un policier attaché aux services des douanes. Ce flic était bien mal à l'aise ce jour là car il venait de perdre son arme de service, un Beretta. Il avait payé deux millions un vieux shnok de St Pierre afin de récupérer son flingue sans que le commissariat du huitième ne sache quoi que ce soit de sa bévue.
C'était un ancien immigré venu tout droit de Sète ou il avait passé sa jeunesse à cultiver des mangues dans des boites en plastique.

Ferdinand l'avait connu auparavant lors d'une de ses fêtes à Montpellier où il accompagnait Taybus.
Le rendez-vous était pris à la sortie de l'ancienne pêcherie qui servait aujourd'hui à distribuer le mélange nécessaire de gasoil et d'huile pour les vieux rafiots du port d'Oran.
Ferdinand se souvient maintenant de vieilles histoires radotées par sa grand-mère alors.
Mamie Martine lui coiffant ses cheveux et lui racontant des histoires de murs et de pistolets enfouis dedans.
Une demi-journée suffit au policier pour lui faire une vraie fausse carte d'identité et un passeport en contrepartie bien sur d'une somme conséquente. Le vieux maître s'appelait désormais mr Hamid Belhamissi retraité de l'éducation nationale.
Aussitôt les papiers récupérés, Ferdinand alla avec Mocho chercher le vieux maître sur l'île et repassèrent par le même douanier et le même petit port de pêche.
Mocho les emmena ensuite à la grande maison verte ou étaient déjà Marie et Michelle. Elles restèrent prés du maître toute l'après-midi à prendre du café et à parler de leur aventure qui commençait et de ce qu'elles ont laissé en France.


9
Il était quatorze trente huit lorsque Marie se rappela de la sirène des pompiers qui retentissait dans ses oreilles d'enfants.
Tous les deux revenaient de la pêcherie quand Marie remarqua l'attention que lui portait enfin Ferdinand. Il marchait lentement, ça lui faisait des tout petits pas pour ses jambes.
Rendez vous était pris dans une salle de sport de l’hôtel Nouba, une sorte de Disney land en plein Afrique, ce soir ce sera la consécration de Houari le petit fils du marin qui les avait accueilli.
Toute la confrérie gnawa sera au rendez vous.
Marie avait entendu vaguement parler de gnawa en France, ces troubadours venus d’Afrique noire, elle ne faisait pas trop la différence entre les rite vaudous, peuls, gnawa ou autre.
Ferdinand bien au contraire avait l’air de connaitre certaines personnes dans la salle.
A l’entrée de la salle un forte odeur de pieds piqua le nez de Marie. Ferdinand lui indiqua d’un coup de tête la direction qu’elle devait prendre, les femmes étaient assises par terre de l’autre cote.
La cérémonie venait a peine de commencer, les jeunes et les moins jeunes étaient tout pleins de couleur, on allait assister à une lila complète avec tous les rites, les odeurs et les sons.
Marie se trouva une place entre deux vieilles femmes, le parfum du jaoui n’allait pas tarder à masquer l’odeur des pieds.
Le monde affluait continuellement, les enfants étaient habilles d’une chechia blanche ou d’un béret africain. Ils couraient partout. les hommes étaient assis de l’autre cote de la salle et la troupe de musiciens formait le centre en U avec le kouyou gambo qui tenait le goumbri au centre.
De la ou elle était assise elle pouvait donc dominer toute la scène, c’était son réconfort du fait qu’elle soit séparée de Ferdinand.
Un plateau de thé et de café passait de main en main, les musiciens se levèrent et saluerent la salles des quatre coins cardinaux en se prosternant, les claquements des crotales commencèrent a envahir ses tympans, un rythme alambique se dit elle, Marie est très sensible au rythme, les danseurs commencèrent a faire des pirouettes, une chorégraphie a quatre en tapant des pieds et tournant tout autour de la piste centrale.
Les deux femmes qui entouraient se levèrent à leur tour en emmenant Marie vers la piste.
Le mokaddem mit sur leurs épaules un bout de tissus de couleur bleu ciel.
Apres cela Marie s’est laissée emporter, le rythme était trop fort, l’odeur d’encens qui tournait, l’ampli d’un autre age crachait le son de basse du goumbri. elle s’est soudain sentie bien.
« Bouria bour a badanga bour « 
C’était les mots que repetait toute la troupe quand elle ferma les yeux.
Soudain une autre femme s’approcha d’elle, la prit par la main et lui dit
C’est toi la reine des mers
Apporte moi du parfum et tu n’aura plus de vertige.

Vers quatre heures et demi du matin la cérémonie s'acheva. Marie avait les tympans qui résonnaient encore, la foule était déjà partie et les musiciens commençaient à ranger leur instrument.
A travers la fenêtre apparut une vieille BMW. Taybus était arrivé pour les emmener dormir.
Marie regarda longuement Ferdinand discuter avec de vieux cheikhs. Elle retint son souffle et se dirigea vers Ferdinand.
-Taybus est la pour nous emmener, il m'accompagne chez la femme de ton copain ce soir? Ou alors ou est ce que je dors?
-Ce soir tu dors avec moi Marie, si tu veux bien.
Il lui dit ces mots tout en la retenant par le bras. Elle comprit que c'était le moment.

Pendant le trajet Taybus leur conta ses rencontres avec des hommes d'affaires irlandais qui rodaient au port et la fille de la voisine qui découchait et le rejoignait la nuit à travers la terrasse.
Il avait l'air absorbé et ne se doutait pas de ce qui se tramait.
La voiture s'avança encore un peu vers une maison en brique jaune qui semblait dominer tout le vieux quartier des amandiers.
Marie s'engouffra dans l'entrée sans dire au revoir à Taybus, elle aperçut le vieux cheikh assis sur un tapis en face de la télé, Euronews crachait ses infos en boucle.
Sans demander son chemin elle trouva la chambre de Ferdinand au fond et décida de l'y attendre.
Désormais elle ne sortira pas de cette pièce sans être repue d’amour.
Marie n'avait pas connu vraiment d'hommes dans sa vie. A part Claude le beau gosse du lycée qui l'avait elle ne sait toujours pas pourquoi choisie comme partenaire dans une soirée déguisée. Il l'avait emmenée dans son studio de la ville et ils firent l'amour machinalement. C'est ainsi qu'elle perdit sa virginité sans émotion, comme une formalité. Une chose dont il fallait se débarrasser.
Depuis elle regardait les hommes de loin sans jamais y toucher. Elle ne voulait plus revivre ce qu'elle avait vécu avec Claude.


-Nous ne dormirons pas dans ma chambre mais dans celle de mama Rahma. Viens. dit Ferdinand.
D'abord il lui prit les deux poignets derrière le dos. De telle sorte qu'il se trouvait derrière Marie. Il pouvait ainsi la guider vers la chambre en haut en la poussant devant. Marie n'osa pas lui dire qu'elle était pieds nus et qu'elle avait peur de s'écorcher la plante des pieds en montant ces vieux escaliers en bois. Elle n'osait en fait rien dire, elle sentait la force de sa main lui entourer les poignets. Ainsi fut son entrée dans la chambre, en poussant la porte un pied en avant. La chambre était petite avec une grande fenêtre à moitié ouverte, elle crut entendre des pigeons sur le balcon. Ce bruit familier qui laissait deviner que le balcon était habité comme chez sa grand-mère en France, un domaine réservé aux oiseaux. Des rideaux blancs transparents dansaient au rythme de la brise du soir qui soufflait dedans. Ouf enfin un peu d'air se dit-elle. Elle découvrit le lit, jeta un œil sur la commode à droite avec de vieux portraits en noir et blanc. Des photos d'hommes en uniforme semble t-il. Une grande bouteille d'eau de Cologne avec des petits flacons tout autour. Le miroir au dessus de la commode était lui aussi envahi par des photos et des cartes. Marie se promettait de les scruter une à une plus tard, quand elle aura du temps. Un épais couvre lit beige était étendu sur le lit, des petits coussins traînaient sur le bord. Sur le mur encore un portrait en noir et blanc, un de ceux qu'on voit chez les photographe avec la pose de la tête légèrement en biais.
Ferdinand la guida vers le lit et la fit s'asseoir. Il lâcha enfin prise. Il se dirigea vers la commode, tira un tiroir et en sortit un vieux topaze. Il souffla sur le disque.
-C'est le seul vinyle qu'elle possède, elle l'écoute tous les soirs dit Ferdinand.
-C'est qui je connais? Dit Marie
-Tu vas voir dit Ferdinand
Une musique avec des cordes et des violons remplit la chambre. Ferdinand se retourna vers Marie et d'un geste rapide ôta son t-shirt. Il resta debout un moment fixant Marie.
-Ferdi moi je ne couche pas sans capote qu'on soit bien d'accord dit Marie en le défiant du regard.
-Ferdinand changea de regard, il lui fit une mine de petit garçon en se grattant la tête.
-Ah oui c'est vrai dit Ferdinand. Attends.
Il ouvrit la porte fenêtre et tout de suite les pigeons s'envolèrent du balcon. Marie le regardait se pencher par dessus le balcon. Elle se ramassa en entourant ses genoux de ses bras.
-Miloud! Miloud! Arwah arwah! Cria Ferdinand.
En revenant vers Marie il lui dit d'un air rassuré:
-C'est bon Miloud va nous chercher ça chez le mozabite, il a tout ce qu'il faut et à n'importe quelle heure.
-Oui c'est ça dit Marie ameute tout le quartier, crie leur très fort que tu vas baiser la p'tite française!
Ferdinand fit mine de sourire, s'approcha des genoux de Marie et y déposa sa tête. Marie lui releva ses cheveux pour dégager sa nuque. Elle y vit une grande tache de naissance rouge. De son petit doigt elle la contourna. Ferdinand lui mordit la cuisse, Marie lui gratta le dos, Ferdinand embrassa le ventre de Marie en lui relevant sa chemise, puis l'épaule. Marie lui prit la tête entre ses mains et plongea sa bouche dans la sienne. Ils s'embrassèrent longuement, un baiser qui annule tout l'entourage. Marie ferma les yeux, prit les cheveux de Ferdinand dans ses mains et ne voulut plus lâcher les lèvres de Ferdinand. Elles étaient bien assez charnues pour que sa langue ne s'ennuie pas. Elle passa sa langue tout autour. La barbe de Ferdinand lui écorchait les joues mais qu'importe.
Marie repoussa Ferdinand des mains et déboutonna sa chemise. En contemplant sa poitrine, Ferdinand s'écria: Madremia!! Il lui mangea les seins comme on mange un melon. Ses seins étaient durs et fermes. Marie n'aimait pas trop en général qu'on lui tripote les seins. Mais cette fois-çi elle n'était pas capable de dire non à quoi que ce soit.
Ferdinand lui tira son blue jean et la retourna sur le lit.
Je veux voir tes fesses dit Ferdinand...

10
A l'aise dans ses baskets, Marie sortit du lit de bonheur, elle se dirigea vers la cuisine en bas et prépara le café comme le lui avait montré mama Rahma, à la turque.
Elle tira une cigarette de son veston et se mit au bord de la fenêtre pour prendre ce soleil qui déjà déployait tous ses rayons.
Elle pensa à son amie et à Taybus. Que sont-ils devenus, oui avaient ils passé la nuit.
Avec une certaine nonchalance, elle posa les bols sur la table et la cafetière au milieu. Ferdinand ne tarda pas à apparaître, Mama Rahma, la maîtresse de maison aussi.
Ferdinand l'embrassa et s'assit au bord de la table de cuisine.
Elle le regarda tendrement et lui posa une question en guise de bonjour
- Où est Taybus?
-Nous allons les rejoindre, ils sont à Ain Turk au bord de l'eau.
-Bon alors je prends mon maillot!
-Non tu n'en aura pas besoin nous y allons pour un travail.
-Ah encore, qu'est ce qu'il y a faire.
-Du courrier...tu verra.
Ferdinand chargea le taxi de tonnes de rames de papier et se dirigèrent vers Ain Turk. Arrivés à l'entrée de la ville la voiture s'engouffra dans un quartier assez dépravé. Les maisons ne semblaient pas finies, les murs étaient de simples briques dénuées.
La voiture s'arrêta à une porte en fer forgé. Ferdinand déchargea la voiture avec Marie et penetrerent dans la maison en brique.
Dedans il y avait une grande salle sans peinture ou grouillait du monde. Des tables étaient mises tout autour des murs et tout le monde était assis à cacheter des enveloppes. Un ordinateur et une grosse imprimante trônaient au fond de la pièce.
-Voila tu te mets la Marie dit Ferdinand je vais te chercher de quoi t'occuper tu vois tu fais comme tout le monde tu mets les feuillets dans l'enveloppe et un timbre. C'est tout simple.
-Ca va je suis pas une gogole.
Ferdinand lui apporta une pile de feuilles et des enveloppes. Elle pensait pouvoir découvrir ce que contenait les lettres quand elle s'aperçut que c'était écrit en arabe. A part le logo en haut de la feuille qui représentait deux poings liés et une gerbe de blé et les initiales FLD.
De quoi il s'agit Ferdinand demanda Marie
C'est le front de libération démocratique, le mouvement qu'a fondé le vieux maître dans les années soixante au Soudan. Il est basé ici maintenant et tous les gens que tu vois sont des militants du front ou sympathisants. Ils luttent aussi pour la démocratisation ici en Algérie.
Je n'ai jamais entendu parler de ça dit Marie
C'est normal, c'est un mouvement clandestin depuis le départ. Il était très puissant au Soudan avant maintenant les militants se concentrent sur l'Algérie depuis quelques années déjà. Dans quelques jours il y aura un grand rassemblement à Timimoun ou les deux factions, celle du Soudan representée par le vieux maître et celle d'Algérie vont se rencontrer.
Bon alors c'est pour la bonne cause alors puisque c'est démocratique. Hé mais vous faites pas des actions du genre poser des bombes ou assassiner des gens?
Non, il y a des enlèvements de chefs d'entreprise au tout début mais rien de méchant, les gens étaient relâchés aussitôt sans violence. Le FLD est présent dans toutes les confréries du pays des actions sont menées surtout dans l'éducation des enfants. On leur enseigne l'histoire des révolutions, la démocratie, la liberté d'expression comme on le voit en Europe et en occident. Le front mise sur les nouvelles générations pour changer les choses et ça commence à donner ses fruits. Aujourd'hui on a des membres hauts placés dans les ministères, les sociétés nationales de pétrole ou autre.
Marie fit mine d'avoir tout compris, elle était capable de tout acquiescer pour l'amour de Ferdinand de toute façon elle était embarquée dans cette aventure sans vraiment le vouloir. Mais ça lui plaisait car c'était diamétralement différent de ce qu'elle avait vécu auparavant en France. Elle n'avait jamais combattu pour une cause ou manifester où lutter pour quoi que ce soit mis a part sa pitence. Cette histoire de FLD commencer à lui plaire d'autant que ça levait le voile sur une partie de la vie de Ferdinand. Et ce vieux maître qui les accompagnait, cette masse de mystère commençait à se disloquer.
Marie reprit sa corvée de courrier en sifflotant. Elle donnait quelques coups d'oeuil de temps à autre pour voir ce que faisait Ferdinand.
Le temps passa ainsi quand soudain on entendit des vitres se briser. Une épaisse fumée retentit et une odeur acre envahit la salle. Tout le monde se mit en panique, les gens se levèrent de table et on commençait à crier.
C'est la police militaire fuyiez! fuyiez on a été vendus! Criait un chacun.
Dans cette cohue impossible Marie réussit à voir des policiers entrer dans la salle. Une main lui prit l'épaule, c'était Ferdinand, il la tira vers les escaliers. Ils montèrent en vitesse sur la terrasse. Par chance la porte de la terrasse était ouverte mais il y avait la un policier en garde qui fut surpris par Ferdinand et Marie, Ils lui sautèrent dessus et Marie l’assomma avec une brique posée sur le rebord de muret qui servait d’étendoir.
Ils traveserent toutes les terrasses jusqu’au bout ou s’il y avait une porte, ils laissaient derrière eux un vacarme sans nom. Ferdinand et Marie se regardèrent.
Et s’il y a des gens comment on fait ? demanda Marie
On improvisera c’est notre seule porte de sortie.
J’y vais la première, une femme c’est moins effrayant
Marie descendit les escaliers tout doucement jusqu’en bas ou ça donnait sur un grand salon. La télévision était allumée et il y avait un homme affale sur son fauteuil, sur sa table trônait une multitude de bouteilles et de canettes vides. A la vue de Marie l’homme resta stoïque il lui fit une grand sourire que Marie lui rendit.
-On a oublie les clés de la maison et on nous a enfermes a clef sur la terrasse. Lui dit Marie
Ferdinand passa par les chambres et prit des serviettes de plage et un chapeau. Il regagna Marie et l’homme de la maison.
-Mes enfants restez boire un verre avec moi avant de partir dit l’homme.
Ferdinand et Marie avaient a peine retrouve leur souffle et n’étaient pas encore remis de leur émotion.
Mes enfants restez boire un verre j’ai du bon raki de Serbie, je suis le seul a en avoir ici, je vais vous faire écouter de la bonne musique.
Il se leva et se dirigea vers sa télévision qu’il éteignit, puis se dirigea vers la bibliothèque, ouvrit la portière, il alluma une vieille chaîne stéréo et une mélodie de piano retentit. Marie et Ferdinand s’exécutèrent, ils s’assirent sur des poufs autour de la table pleine de bouteilles, l’homme leur servit un petit verre d’alcool transparent. L’alcool était tellement fort que Marie a failli vomir de suite, mais elle prit sur elle. Elle fixa la robe de chambre en satin rouge de l’homme et ses cheveux roux coiffes a l’arrière, il était rase de très près, il avait même quelques blessures de rasoir ici et la.
Est ce que vous connaissez Thelonious Monk ?
Oui dit Ferdinand non dit Marie en même temps.
C’est celui qui joue au piano en ce moment, je l’écoute depuis quarante ans, quand j’étais en Serbie, jeune étudiant, je l’ai découvert, il a un style différent qui ne ressemble a aucun autre jazzman, savez vous pourquoi ? A l’époque ou le be bop se développait tous les grands, Miles Davis, John Coltrane, Charlie Parker, Dizzie Gillespie fréquentait les mêmes clubs de jazz ou ce style se jouait, il y avait de l’interaction entre eux et a un moment ils sont partis dans la même direction tandis que lui était frappe d’interdiction, il a même été en prison a du travailler son style tout seul, il a pris son chemin, un chemin autre que celui du be bop. Quand il est revenu sur scène sa musique semblait bizarre, personne n’avait écoute cela auparavant.
Marie écoutait l’homme parler tout en remarquant les tableaux accroches aux murs. Ils représentaient tous des musiciens de jazz, trompettistes, saxophonistes, guitaristes.
-Merci pour le verre nous devons partir dit Ferdinand
-Vous ne voulez pas rester ? Profiter de la piscine il fait chaud aujourd’hui dit l’homme et je peux vous passer le maillot de ma défunte femme elle avait a peu près votre taille
- Marie regarda Ferdinand et répondit oui le temps que nos amis reviennent on va rester un peu, piquer une tête nous fera un grand bien.

Marie et Ferdinand restèrent finalement toute la journée. A la tombée de la nuit il jeta un coup d’œil sur la rue et vit qu’il n’y avait pas de danger. Il partit chercher un taxi, remercia leur hote en lui promettant de revenir le voir, puis regagna la ville, direction mama Rahma.

Michelle était la a les attendre et semblait vouloir leur annoncer une nouvelle.


11

Michelle avait lorgne sur Mocho des les premiers instants, elle a toujours aime les homes bruns, secs aux grandes mains. Mocho lui rêvait de blondes aux yeux bleus comme ses compères de la mer, ils parlaient souvent de femmes aux cheveux blonds qu’ils rencontreraient quand ils auront traverse la mer une fois pour toute. Entre pêcheurs, des histoires circulaient sur de vraies sirènes rencontres sur les rochers aux alentours d’Oran, Des femmes aux allures de déesses qui se prélassaient en prenant le soleil, les pêcheurs les appelaient les Marias Magdalena, sans doute un héritage des racontars espagnols.
Objectivement Michelle ne ressemblait pas a une déesse, aucunement. Elle avait le cheveux blond mais rare qu’elle ramassait le plus souvent dans un chignon mal fait, et ses yeux bleus ressemblaient plus a ceux de Bugs Bunny que de Michelle Morgan.
Mais qu’importe, pour Mocho elle était française et lui il adulait les étrangères. Elle était blonde aux yeux bleus et c’est tout ce qui comptait.
Il lui avait fait du charme en l’emmenant se balader sur sa barque, il avait pris des sandwichs au thon, une brique de vin et du cannabis de troisième choix.
Il l’emmena sur un rocher pas très loin du port ou ils s’installèrent toute la journée, ils ne communiquaient pas beaucoup vu que Mocho ne maîtrisait pas bien le français et que Michelle ne comprenait pas un seul mot d’arabe. Mocho avait seulement appris une seule phrase qu’un touriste français lui avait fait apprendre et qui faisait rire Michelle : Mais c’est l’apothéose !
En revanche, Mocho et Michelle parlaient très bien le langage du corps, d’ailleurs ils s’y attelèrent aussitôt sur le rocher.
Depuis cette journée Michelle ne quitta plus Mocho. Il l’emmena partout, il la présenta à sa mère, chez son grand frère qui tenait une auto école a Gambetta, chez ses amis pécheurs au port de Bouzedjar. Il disait à tout le monde que c’était sa femme, qu’ils allaient partir vivre en France bientôt.
Michelle ne savait jamais ou elle en était dans sa vie, elle n’a jamais su se projeter dans le futur, son compagnon lui plaisait et c’était
Tout e qui lui importait. Elle voyait de moins en moins Marie qui était restée cloitree avec Ferdinand chez Mama Rahma. Elle appelait de moins en moins souvent la France. Elle a troque son blues jeans slim et ses ballerines contre une djellaba noire passe partout. Mocho l’appelait la tlemcaniya, il lui a même trouve un nom arabe Atika.
En embrassant Marie, Michelle lui dit au creux de l’oreille : Je vais me marier avec Mocho.
Marie éclata de rire, ce n’était pas la première fois que Michelle lui annonçait son mariage.
Quoi encore ? tu veux te marier ? mais pourquoi ?
Parce que je l’aime c’est mon homme, je veux rester avec lui et un jour quand tout rentrera dans l’ordre c’est lui qui viendra avec moi.
Et vous faites ça quand ? tu n’as même pas de papiers valables.
Je m’en fous, on s’arrangera, les papiers ça se trouve, t’as bien vu avec le cheikh. Je te dis c’est lui que je veux.
Marie fixa Michelle, ses yeux commençant à larmoyer elle la prit dans ses bras et Taybus et mama Rahma se mirent à faire des youyous, elle embrassa Mocho.
Tu t’occupe d’elle comme il faut sinon je t’éclate la tête lui dit Marie.
Alors vous faites ça quand ? demanda Ferdinand
Taybus va nous organiser ça ces jours-ci
Oais je vais vous faire une mariage a l’oranaise sur les toits de l’immeuble avec le meilleur chanteur de rai de la place et la meilleure sono. Vous allez kiffer dit Tybus
Demain la mère à Mocho m’emmène essayer un cafetan, tu m’accompagnes ?
Pour votre voyage de noces c’est tout trouve vous allez venir avec nous dans le sud, nous partons dans une semaine

12

Un jour que Marie s’ennuyait dans la chambre de mama Rahma elle demanda à Ferdinand:
-Parle moi du cheikh.
-Qu’est ce que tu veux savoir ?
-C’est quoi sa vie ? D’où il vient ?
Ferdinand la regarda en soupirant puis lui dit
-D’accord je vais tout te raconter. Il vient du Soudan, d’une famille modeste, une ville a l’ouest qui s’appelle Al Sharif, c’est un pharmacien, il a fait ses études en Egypte, ou il avait commence a militer contre le régime militaire de Numeyri, il fut emprisonne a son retour a Khartoum, ou il passa six ans avant de s’en échapper et de gagner l’Algérie par le Tchad et le Mali. Son périple dura deux ans. Il noua de solides contacts et soutiens pour sa cause à travers tout le Sahara oriental. En Algérie il travailla avec les mouvement d’opposition du régime de Boumediene et oeuvra pour instruire le premier front démocratique du pays. Son éducation religieuse et sa solide formation en langue le rendait redoutable quand il s’agissait de haranguer les foules et Le mouvement l’utilisait pour cela.
Il revint ensuite au Soudan pour soutenir John Garang dans sa lutte contre l’islamisation du pays. Il était l’artificier en chef du mouvement. Il travaillait sous couverture dans une usine de médicaments lorsque celle-ci fut bombardée par les américains, il est avec trois autres les seuls survivants du massacre. Il en garde quelques séquelles comme sa gorge entaillée qu’il couvre constamment avec son écharpe blanche. On l’appelle El Mouchir, le guide car il a constamment montre la voie.
-Comment tu l’as connu ? demanda Marie.
-Je l’ai connu il y a dix neuf ans. Je travaillais sur un céréalier qui avait débarque en Egypte, J’avais décide de traverser l’Egypte pendant ma période de repos pour rejoindre un ami d’enfance qui était installe a Assouan et y travaillait comme chef magasinier d’un entrepôt de médicaments, une fois las bas il m’avait propose de l’accompagner au Soudan pour y déposer une cargaison de médicaments dans un centre de soins. Arrive las bas j’ai attrapé une méningite et on fit appel a lui pour qu'il me procure les soins nécessaires car il n’y avait pas les médicaments qu’il fallait.
Je suis reste un moment le côtoyant. On a beaucoup parle, débattu de plein de sujets, il voulait tout savoir sur la France, La Normandie qu’il connaissait a travers les romans de Chateaubriand et de Maupassant.
Je lui ai raconte ma vie tout en devinant la sienne.
Quelques mois plus tard je suis revenu à Soudan et j’y ai passe six mois en sa compagnie, je l’ai assiste pendant qu’il préparait son grand rassemblement qui couvrait tous les militants du FLD présents au Tchad, au Mali, en Algérie et en Tanzanie. Il m’a aide a rembourser mes dettes, j’ai quitte mon emploi de marin et je suis devenu militant a part entière. Depuis je suis une sorte d’assistant, son homme a tout faire, je veille sur lui, grâce a ma nationalité française je peux me déplacer sans souci partout ce qui arrange bien ses affaires.

Marie enlaça Ferdinand des qu’il eut fini.
-Eh ben dis donc, ca existe des gens comme ça. C’est pas que dans les films dit Marie.
-Non c’est pas que dans le film acquisea Ferdinand.



13

Arriva le jour du départ pour Timimoun. Marie n'alourdit pas son sac. Elle mit dedans trois t-shirt et autant de sous-vêtements, des claquettes brésiliennes et son appareil photo offert par Ferdinand la veille.
Le taxi clandestin les emmena de bonne heure à l'aéroport. Le rendez-vous était pris pour sept heures du matin. Ils trouvèrent Taybus attablé à la cafette, lunettes de soleil et casquette sur le coté.
-Ça y est t'es déjà en tenue? Lui rétorqua Ferdinand.
-Regarde mes yeux j'ai pas dormi de la nuit dit Taybus en relevant ses lunettes pour se justifier.
-Bon allez on se prends des croissants, un bon café au lait et hop à l'enregistrement dit Ferdinand Timimoun est à deux heures de vol, tu aura le temps de roupiller parce que sur place tu n'en aura pas.
Arrivés à l'aéroport de Timimoun; Marie sentit tout de suite la chaleur encore douce mais sèche qui provoqua en elle une sensation de bien être. Jilali, le directeur du Riyad et ami de Ferdinand les accueillit à bras ouverts. Marie lui envia sa grande gandoura blanche.
Ils s'engouffrèrent dans une Toyota 4X4 d'où jaillissait une musique qu'elle crut reconnaître.
-C'est les Gnawa? Demanda Marie à Jilali.
-Non ma fille ça c'est l'Ahelil c'est la musique du Gourara, notre chant local, tu va voir ce soir durant les cérémonies.
-Ça a déjà commencé le mouloud? demanda Ferdinand.
-Oui c'est le sixième jour, aujourd'hui c'est le jour de la hofra. Les tribus de l'extérieur et les locaux se réunissent et se mélangent. C'est une vieille tradition qui remonte à très loin. On dit qu'un saint homme voulut offrir un repas aux pèlerins qui se dirigeaient vers la Mecque mais il n'avait pas les moyens de le faire. Alors toutes les tribus apportèrent qui du blé qui des dattes. Le repas put ainsi se faire.
Cette solidarité se renouvelle chaque année au mouloud.
Marie écoutait parler Jilali tout en prenant avec frénésie des photos du trajet. Elle semblait ébahie par cette nouvelle palette de couleurs qui s'offrait à ses yeux.
-Ne bousille pas ta batterie des maintenant on vient d'arriver lui dit Ferdinand en souriant.
Marie reposa son appareil sur ses genoux un moment puis brusquement se remit à reprendre des photos par esprit de contradiction.
Arrivés à la palmeraie, la voiture s'enfonça dans un labyrinthe bâti de palmiers durant vingt bonnes minutes pour enfin arriver à bon port. C’etait une grande bâtisse couleur ocre, les portes s'ouvraient sur une cour qui abritait une tente de bédouins, une terrasse qui avait vue sur la sebkha de Timimoun. Il semblait y avoir des européens attablés qui prenaient un copieux petit déjeuner.
Leur allure hirsute, pleine de poussière leur donnait un drôle d'air. Ils semblaient être habillés en haillons. Marie apprit plus tard qu'ils revenaient de deux semaines de trekking en plein désert avec pour seule compagnie un guide touareg et son chameau.
Marie et Ferdinand choisirent vite leur chambre, y déposèrent leurs bagages et redescendirent chercher Taybus.
Jilali était là aussi avec le chauffeur, un vieux monsieur tout habillé en blanc lui aussi.
-Je vous présente votre guide et votre chauffeur pendant votre séjour, El hadj Abdeka. Il vous emmènera ou vous voulez. Il connait tous les bons coins de Timimoun, les vieux ksars aux alentours et les dunes praticables si vous voulez tâter de la dune.
-On a d'abord une visite à faire dit Ferdinand voilà l'adresse.
Il tendit le papier au chauffeur qui le remit à Jilali
-C'est en français je ne le lis pas.
-D'accord Abdeka c'est à Tirkouk. Tu demanderas sur place ce nom.
En prononçant le nom du cheikh Bouderbala, le vieil homme changea de couleur.
Cheikh Bouderbala était bien connu dans la région. Il avait monté voilà une trentaine d'années une zawiya qui ne ressemblait à aucune autre. Elle surplombait la colline avoisinant Tirkouk, personne n'osait s'y aventurer mis à part les disciples qui pullulaient dans tout le sud algérien.
En plus d'un enseignement coranique, les élèves étaient soumis à un entraînement quasi militaire. Les autorités laissaient faire bizarrement. Jusqu'à l'avènement du terrorisme dans les années quatre vingt dix. Des convois de parachutistes sont venus fermer définitivement la zawiya. Depuis n'y vit que le vieux cheikh resté cloîtré dans la bâtisse avec les quelques disciples qui lui sont restés fidèles.
On entendit plus parler de lui.
Le chauffeur les emmena dare dare en direction de Tirkouk. Le vieil homme avait mis sa tenue blanche et semblait joyeux. Ferdinand chuchotait on ne sait quoi à son oreille. Marie ne réussissait pas à desceller le sujet de leur discussion. Michelle s'encanaillait avec Taybus à l'arrière du 4X4.
Pendant tout le trajet ils se plaignaient au chauffeur des secousses qu'ils subissaient.
Arrivés enfin sur le site de Tirkouk ils virent la bâtisse blanche dominer la colline. La voiture s'arrêta et le chauffeur leur fit signe de descendre et de continuer à pied car la voiture ne pouvait pas monter plus loin. En vérité, Le vieux chauffeur comme tous les habitants de la région avait une peur bleue du vieux cheikh et de sa bâtisse et ne voulait s'en approcher plus.
-Je vous attends ici, ne vous en faites pas je ne bougerai pas dit Abdeka le chauffeur.
Il ouvrit le coffre, sortit une natte tressée, la déploya sur le sol et s'assit en tailleur.
On fit descendre le vieux cheikh de la voiture et la jolie troupe entama la montée au rythme des petits pas du cheikh.
Il fallut une demi heure pour arriver au porche de la bâtisse. Taybus frappa violemment du poing. Un jeune homme en turban blanc leur ouvrit.
-Bienvenue, kirakoum ? Entrez, entrez dit le jeune en s'inclinant. Il embrassa sur la tête le vieux cheikh comme si il le connaissait. Il les guida vers la cour de l'école, des poules et des oies étaient là éparpillées dans la cour. Marie prit quelques photos des murs blanchis de chaux et du grand tableau accroché au centre et qui semblait représenter un ancien patriarche en costume d'apparat.
- Cheikh Bouderbala fait sa prière il va vous rejoindre juste après dit le jeune élève. Veuillez vous installer.
Il leur rapporta une jarre pleine d'eau fraîche. Michelle but quelques gorgées, l'eau était parfumée de goutrane ce qui n'était pas désagréable.
Le jeune élève leur apporta ensuite un plateau de dattes sèches. Marie fit mine d'en prendre quelques unes et les mit dans sa poche.
Quelques minutes d'attente au milieu des poules et le chef de l'ancienne confrérie apparut, habillé tout en blanc, pied nu. C'était une force de la nature, un grand homme noir vêtu de blanc avec une chéchia verte et la barbe blanche bien taillée. En les saluant elle sentit une forte odeur de musc.
En apercevant le vieux cheikh il le prit dans ses bras et l'embrassa sur la tête puis sur l'épaule, tout en poussant des petits cris de joie.
-Ahlene bikoum chikhna, bienvenue dit cheikh Bouderbala, quelle joie de te voir ici. Voilà des années que je ne t'ai pas vu ni entendu parler de toi cheikh El Mouchir. Je suis content de te voir vivant et en bonne santé.
-chikhi, depuis notre séjour à Al Fasher, beaucoup de choses sont arrivées à notre mouvement, Toutes nos forces d'actions comme tu le sais se sont repliées en Algérie. Il ne nous reste qu'une permanence las bas. Mais historiquement nous restons attachés à cette région d'ou tout a commencé.
-Je vois que tu as ramené de jeunes militants avec toi, moi je n'ai vu âme qui vive depuis déjà 5 saisons, il ne se passe plus rien ici, À l'idée de voir un peu d'animation me réjouit enormement. Je ne me consacre plus qu'à la lecture du coran et à la prière, je sombre dans le batine. La rencontre aura lieu quand ?
-Dans deux jours, je t'ai apporté le discours d'ouverture que tu liras toi car tu es le plus apte à le faire, tu présideras le rassemblement, c'est en ton nom que tout se fera.
Cheikh Bouderbala prit le papier qui lui tendit Mouchir, mit ses lunettes et lut à haute voix :

« Peuple d’Afrique, vous les enfants de cette terre, rappelez vous ceci, vos pères se sont lèves un jour pour gagner leur liberté. Pourtant aujourd’hui nous somme toujours esclaves.
Esclaves de la misère, esclaves de l’ignorance, esclaves de nos conflits ethniques, de notre retard sur le monde d’aujourd’hui, enfin esclaves de nos dirigeants qui nous gouvernent.
Nous somme seules responsables de notre destin, nous seuls avons laisse les choses aller vers ce qu’elles sont devenues. Une véritable gangrène s’est installée à la tête de nos pays. Voila déjà quarante ans que nous subissons sans gémir,telles des brebis fidèles a leur berger. Un berger fou qui nous emmène tout droit vers le précipice. Mais aujourd’hui je vous le dis. Nos bergers sont borgnes et il y a longtemps que l’herbe verte a déserte nos prairies.

Mes amis, mes frères, voila deux pays, deux peuples, Algérie et Soudan qui se retrouvent aujourd’hui assis au même banquet,celui de la fraternite. La liberté, la démocratie, l’expression libre est a portee de main seulement nous somme trop timides pour tendre nos mains et les arracher. Nous devons nous servir par nous même, N’attendons pas que notre hote vienne lui-même nous servir.

Telle est notre erreur, tel est notre malheur, nous attendons le messie, nous attendons le mahdi el mountadar qui vienne nous délivrer de nos maux. Le malade commence par se ménager, il peut se soigner tout seul quand il a su diagnostiquer ce qui le ronge.

Notre communauté au Soudan hier et en Algérie aujourd’hui a prouve que c’était possible pour nous africains de vivre en adoptant les valeur universelles que sont la liberté et la démocratie. Sans pour autant faire table rase du passe et effacer de notre mémoire nos traditions africaines bienfaitrices.

Mes frères je vous le dis le monde moderne a des choses a apprendre de l’Afrique, nos valeurs qui perdurent depuis des siècles peut être la solution a d’énormes problèmes que subit le monde moderne, l’entraide, le système communautaire, le troc, notre respect de la nature.

Ce que nous devons faire est très simple, prendre le meilleur des deux mondes, de notre Afrique et du monde qu’on appelle occident, c’est ce que nous nous appliquons a faire. Je fais appel a vous aujourd’hui pour vous unir dans une action commune, algériens, soudanais vous etes aujourd’hui sous la même bannière, celle de la liberté. Algériens accueillez vos frères soudanais comme vous accueilleriez un membre de votre famille. Apprenez sa langue, ses habitudes, mélangez vous car c’est ainsi que la pierre et le ciment prendra et fera de vous le mortier de l’Afrique de demain. »


14

Apres plusieurs tentatives infructueuses. Marie et Ferdinand réussirent à trouver le lieu de rassemblement. C’était dans une vieille bâtisse du centre ville où étaient postes de jeunes gens de grande taille portant des lunettes de soleil noires.
Avant d’approcher la maison Ferdinand regardait le manège se dérouler. A chaque fois un groupe d’individus s’approchaient des deux jeunes hommes, lui remettaient une espèce d’enveloppe et puis la porte métallique s’ouvrit.
-On n’as pas de cartons d’invitation dit Ferdinand je les ai oublies ça va être la merde pour rentrer.
-Mais ils te connaissent lui dit Marie t’a qu’a dire qui tu es.
-Oui mais c’est la procédure, il faut que je retourne chez Bouderbala, récupérer les cartons, c’est comme ça.
Une fois la voiture démarrée, ils roulèrent a peine deux cent mètres soudain une déflagration retentit derrière eux, Marie se retourna et vit une fumée épaisse rejaillir de la maison ou ils étaient sensés avoir rendez-vous avec le comite de préparation du FLD.
Machinalement Marie prit son appareil photo et mitrailla la scène. Ferdinand appuya sur le champignon, en dix minutes ils étaient hors de portee de la ville.
-Et un mouchard, un ! dit Marie
-Mais non ça peut être autre chose, les gendarmes ont du remarquer une activité anormale en ville, on a pas du faire assez attention.
-Ferdi, si j’ai bien compris vous avez choisi cette ville pour pour sa discrétion et parce que vous avez des liens étroits avec la confrérie ici. Ca ne peut être qu’eux qui ont cafete, Le Bouderbala il n’est pas catholique.
-C’est ce qu’on va voir lui dit Ferdinand. On retourne le voir sur le champ.

Ils reprirent le même chemin que la veille avec le guide, arrives au pied de la colline ils découvraient des Land Rover blanches stationnées, c’était la gendarmerie nationale. Ferdinand comprit que c‘était fini pour Bouderbala et que désormais il n’y avait plus rien a faire ici.

Il faut aller plus au sud, on met le cap sur le champ. Ils passèrent à la station service ou il y avait une alimentation générale, achetèrent des vivres et firent le plein d’essence. En pleine chaleur, au son de Walking on the moon, Ferdinand et Marie s’engouffrèrent dans le grand Sahara, il n’y avait désormais plus qu’une ligne verticale qui coupait l’horizon. Ferdinand et Marie étaient seuls, à la merci de la moindre panne, le moindre pépin les rendraient vulnérables, Marie le savait, mais qu’importe. Par chance la voiture était climatisée et Marie s'amusait de temps en temps a sortir son bras en ouvrant la fenêtre, elle rentrait son bras en disant : c’est plus chaud que la chatte a Michelle. Ca faisait sourire Ferdinand ce qui était déjà pas mal. A la tombée de la nuit Ferdinand s’arrêta au bord de la route ou il y avait une petite colline à cote d’une énorme dune.
On va s’arrêter la pour manger, on reprends la route juste après je veux qu’on arrive ce matin au plus tard dit Ferdinand.
Ils étendirent la bâche de la voiture posèrent le pain, les fruits, le thon, de l’eau et des dattes.
-Tu sais je n’ai jamais dormi sur une dune lui dit Marie encore moins fait l’amour dessus.
-Tu sais combien de temps ça prends d’escalader cette dune, ça te parait facile hein lui dit Ferdinand.
-Bien sur lui dit Marie. Regarde.
Elle se leva, se déchaussa prestement et se dirigea d’un air bien décide vers la dune.
Une haletante demi heure a fallu a Marie pour arriver au sommet, elle s’écroula dessus, se retourna dans le sable pour reprendre ses esprits. Elle s'allongea sur le ventre de telle sorte qu’elle pouvait dominer l’horizon qui l’entourait à 360 degrés.
Elle contempla l’époustouflant coucher du soleil qui finissait sa parade en coloriant le ciel de milles et une teintures. Elle se déshabilla complètement, étendit son chèche et ses habits sur le sable. Elle attendait Ferdinand qui semblait bien loin encore. Elle croisa ses jambes et tira une cigarette. La bas, lui semblait apparaître un amas de palmiers. Est-ce possible ? Ici au beau milieu du rien ?
Elle se releva, cigarette au bec et se mit a crier.
-Ferdi ! Ferdi ! Viens voir j’ai trouve le paradis perdu !
Arrive au sommet Ferdinand lui rétorqua
-Tu t’es mise en condition a ce que je vois regardant sa nudité, tu t’es déguisée en Eve.
-Regarde c’est bien une palmeraie la non ?
Ferdinand fronça des sourcils en se tournant vers la direction que Marie lui indiquait.
-Oui ça m’en a tout l’air mais faut voir.
Marie se mit en face de lui d’un air tout joyeux, elle entoura son cou de ses bras et lui chuchota ces mots en lui mordant l’oreille.
- Allons voir le paradis perdu.
- Il n’est pas si perdu que ça puisque tu l’as trouve
- Je m’en fous c’est mon paradis a moi, j’ai décide
- D’accord si on trouve une piste qui nous y mène, il n’est pas question qu’on s’engouffre dans le sable on est mort sinon allez rhabille toi
- Non tu me fais l’amour.
Elle l’embrassa tendrement comme jamais personne ne l’as embrassé.

Ils firent l’amour à en crever de soif, tous les deux, unis entre la dune et le ciel étoile. Marie et Ferdinand essouffles s’étendirent dos nus sur le sable. Marie faisait égrener le sable de sa main droite et tenait la cuisse de Ferdinand de sa main gauche.
- Est-ce ce que tu sais qu’on peut faire de la musique avec les dunes ?
- Comment ça demanda Marie ?
- Regarde.
Il se mit a genou et commença a tracer des lignes avec la pomme de ses mains. Ca faisait un bruit de fermeture éclair. Marie s’en amusa et commença à faire pareil.
- On va jouer a facile a chanter avec du sable, tu devine la chanson d’accord ? dit Marie.
- D’accord.
Marie se mit à frotter le sable avec ses mains, ses pieds et ses coudes.
- my way ?
- Non cherche encore.
- Le requiem de Mozart ?
- Non cherche encore.
- Hmm ça doit être Marcia Baila vu comment tu bouge
- C’est pourtant facile concentre toi je recommence.
Elle se mit encore une fois à refaire sa chorégraphie sablonneuse.
- Je ne trouve pas dit Ferdinand.
- Tu me decois, c’est Farid El Atrache ce qu’on écoutait dans la chambre de tata Rahma.
- Ah ok ! Il se mit à rire. Bon on redescend on va chercher la piste qui mène a cette palmeraie.

Ils n’avaient pas remarque le début de la piste qui jouxtait la route nationale. Ils suivirent la piste durant une bonne vingtaine de minutes jusqu'à ce qu’une lettre A haute de deux mètres leur fit face.
- C’est le A barre de l’anarchie dit Ferdinand.
- Ou celui de Amour dit Marie.
Ils arrivèrent enfin à l’entrée de la palmeraie. Une immense porte en bois sculptée leur fit face. A cote une immense étendue de panneaux solaires jonchait le sol.
Marie s’approcha de la porte et essaya de déchiffrer ce qui était écrit.
Tout ce qui n’est pas donne est quelque part perdu
La citation semblait être transcrite en plusieurs langues. En arabe, en français, en chinois et en anglais.
Ferdinand poussa la lourde porte, Marie le suivit en lui prenant l’épaule. La porte donnait sur une allée bordee de palmiers en dessous duquel était entrepose des baraquements uses par le temps, le soleil et le sable, cela ressemblait plus a un camping de vacances qu’a une base de vie. La palmeraie semblait déserte, il ne semblait y avoir aucune trace de vie. Marie et Ferdinand longèrent l’allée jusqu’au bout. Il y avait une yourte dressée avec des tapis dedans et des plateaux en bronze sur lesquels étaient entreposes plein de livres, de revues et de papiers en tout genre.
- On va dormir ici Marie. Mais d’abord on va faire les baraques pour voir si il y a quelqu'un.
Il n’y avait pas âme qui vive, mais l’intérieur semblait propre et bien tenu. Peu être étaient-ils en déplacement et qu’ils n’allaient pas tarder a revenir.
Dans la première baraque il y avait un ordinateur d’assez vieille couture. Marie ne put s’empêcher de l’allumer. Elle espérait se connecter à Internet et du coup envoyer un message à Michelle qui était retournée a Oran. Ce fut le cas et elle en était réjouie, elle se connecta vite et envoya un message prestement à son amie.
mailto princessedark25@yahoo.fr
Subject : le paradis perdu
Salut ma poule comment tu vas ? Et ton jules comment ça se passe ?
J’ai trop de trucs a te raconter, en gros je suis sur un nuage avec mon Ferdi, on a rencontre des gens bizarres, assiste a une explosion et la je me trouve dans mon paradis perdu toute seule avec lui, je passerai bien le reste de ma vie ici..
Je t’embrasse
Marie.

Son MSN était déclanche et elle vit la fenêtre de Michelle s’ouvrir.
-Ma poule!
- C’est Mocho Marie tu es ou?
- Tu devinera jamais ou je suis-je suis dans..
-Marie on as de gros problèmes, ils ont enlevé Michelle hier je te cherche partout.
Marie sentit ses genoux fléchir et son cœur accélérer.
-Quoi qu’est ce que tu racontes?
-Hier on étaient tranquille en train de prendre le café, des hommes sont rentres ils ont tout casse, m’ont tabasses et ont enlevé Michelle. Ils m’ont dit qu’ils allaient lui couper une jambe si tu ne t’amenais pas dans deux jours. Ils m’ont laisse un numéro de téléphone.
-J’arrive de suite ecrivit Marie
Marie eteignit l’ordinateur et se mit a tourner en rond dans la piece .
Elle trouva un vieux téléphone a cadran sur la table d’entrée de la baraque. Elle vérifia s’il y avait la tonalite et c’était le cas. Elle forma le numéro en tremblant et en se raclant la gorge, décidée a affronter. Une voix retentit au bout du fil.
-Allo
-Allo c’est Marie.
-Ne quitte pas je te passe une vieille connaissance.
-Salut petite pute c’est Ismaël.
-Qu’est ce que t’a fait de Michelle ?
-Cette grosse conne est assise à cote de moi.
-Si tu lui touche ne serait ce qu’in cil je t’éclate en morceaux tu entends !
-Calme toi petite pute, tu n’as jamais appris la politesse je te l’ai toujours reproche. Ecoute moi bien, tu débarque ici dans les 24 heure, on remonte en France tu viens signer l’annulation de la vente chez le notaire et a ce moment la je relâche Michelle, c’est simple non tu trouve pas ?
-Je ne peux pas venir en vingt quatre heures, relâche la ça peut se faire par fax tout ça.
-Non il faut que tu sois présente chez le notaire, il nous reste 12 jours avant que la vente ne soit consommée, si jamais ça se fait je te jure que je te trouverai et je te découperai en morceaux, tu me connais.
-D’accord d’accord, je sais que je t’ai fait un coup de pute, mais c’était a charge de revanche, vu ce que tu m’a fait subir pendant toutes ces années.
-Je t’attends à Oran, ne traîne pas.

Le téléphone a coupe. C’était la fin du paradis perdu. Il fallait a Marie tout raconter à Ferdinand, pas pour se faire aider mais pour dégager cette boule qui vient d’apparaître.
Elle se dirigea vers la yourte. Ferdinand dormait déjà. Elle s’assit près de lui et le réveilla énergiquement en le secouant par l’épaule.
-Ferdinand j’ai a te parler réveille toi, Ferdi Ferdi.
Ce sont les larmes qui coulaient sur son épaule qui ont réveille Ferdinand.
-Qu’est ce qu’il y a tu pleure pourquoi ? Ils sont arrives les gens ?
-Non c’est pas ça écoute. J’ai une histoire a te raconter.
Ferdinand se releva, passa ses mains sur son visage et ramassa ses cheveux dans un élastique.
-Je t’écoute
-Il était une fois, une jeune fille de 16 ans qui habitait chez sa grand-mère dans une banlieue pourrie. Elle s’ennuyait beaucoup après le lycée et fréquentait le camping a cote parce qu’il y avait de nouvelles têtes a chaque fois et que ça la changeait de sa cite grise et saumâtre. A force, elle a sympathise avec le propriétaire et puis est devenue son amante. Elle était follement amoureuse de lui du moins elle le croyait. Elle ne supportait plus la vie chez sa grand-mère toujours en train de regarder les feux de l’amour et à boire du thé toute la journée. Alors petit a petit elle s’est installée au camping et s’est mise a travailler en tant que femme de ménage. Elle nettoyait les chiottes et les cuisines, remettait en place le matériel, enfin la boniche a tout faire quoi. Ensuite elle a fini par s’installer au camping comme étant la deuxième femme du proprio. Le proprio lui était comme un coq en patte, il profitait comme il pouvait de la situation avec la complicité de sa première femme qui ne manquait pas de lui rappeler sa position.
Le propriétaire avait des biens a Pigalle, un casino clandestin et un bar a putes. La jeune fille devenue femme commença a travailler au bar. le proprio l’obligea ensuite a faire des passes pour des clients habitues. Elle donnait tout son argent a sa première femme. . Ensuite Elle s’est mise a ouvrir le bar et a gérer les factures etc.. C’est ainsi qu’un jour elle tomba sur des papiers bizarres caches dans le coffre fort.
Elle fit des photocopies et alla se renseigner auprès de son oncle qui était juriste.
Il lui expliqua que la personne qui remplit ces papiers et qui les signe et qui les dépose chez le notaire devient automatiquement propriétaire de ces biens. Elle prit alors la décision de se venger. Trop remontée contre le propriétaire et sa femme. C’était l’occasion pour elle de se faire du fric et de partir une fois pour toute vers d’autres cieux plus cléments.
Aujourd’hui le propriétaire m’as trouve, il est a Oran et tient Michelle, je dois aller le voir pour partir a Paris chez le notaire et annuler la procédure .

Ferdinand comme a son habitude ne pipa mot. Il prit Marie dans ses bras puis la prit par la main.
-Si on démarre maintenant,on arrivera a Oran demain soir.

La route fut longue pour Marie, Durant tout le trajet elle repensa a ses histoires et pleurait en même temps . Ferdinand par son silence ne l’aidait pas trop mais c’était mieux ainsi. Elle ne savait pas trop comment il allait la voir maintenant qu’il connaissait son passe de merde. Lui non plus n’as pas eu la vie facile. Elle regardait de temps en temps Ferdinand concentre sur sa conduite puis se remettait a pleurer. Ils s’arrêtèrent trois fois pour faire le plein. Arrives a la porte d’Oran Ferdinand lui dit.
Je vais devoir régler ça une fois pour toute, tu me laisse faire, appelle le simplement, dis lui que tu vas aller le voir, demande lui ou il se trouve.
Oui mais s’il fait quelque chose a Michelle ? s’il se rends compte que je ne suis pas toute seule ? Il va la tuer il n’hésitera pas.
Ne t’inquiète pas lui dit simplement Ferdinand.
Marie se rua vers le téléphone de mama Rahma appela au numéro indique. Mama Rahma la regardait ébahie.
- Ils sont dans un quartier qui s’appelle les Castors tu connais Ferdi ?
-Oui, très bien, je vais téléphoner, donne moi l’adresse
-Allo, Mokhtar ? Oui rassemble la troupe, rendez-vous aux Castors devant la boulangerie Doballah dans une heure.
Ferdinand a raccroche, puis s’est approche de Marie.
-tu ne bouges pas d’ici, tu restes avec mama Rahma. Je vais aller chercher Michelle.
Marie tremblait comme une feuille, elle tirait sur sa cigarette comme une forcenée.
-Fais attention a toi.
Elle l’embrassa fermant la porte derrière lui.
15

Ismaël était assis sur fauteuil rouge devant la tele, son acolyte était sur le toit en train d’arranger l’antenne parabolique. Michelle est allongée sur un matelas au coin de la pièce, attachée à une grande jarre a huile. Elle avait fini par se calmer après des heures d’insulte et de rage, elle était fatiguée mais n’arrivait pas à dormir.
Ismaël surpris par l’apparution d’une image sur la tele commença à vociférer
Ca y est Jacquot c’est bon on a l’image. Tu peux redescendre
Ismaël fumait son cigare et remplissait son verre de vinaille des que celui-ci était vide. Il se concentrait pour suivre une émission de variétés sur la télévision algérienne
Putain que c’est moche ce qu’elle porte la femme dit Jacquot en servant un verre.
C’est leur putain de tenue traditionnelle, de l’or en pacotille, y en a plein des boutiques à Barbes.
Ce n’est pas de la pacotille dit Michelle Les femmes se soignent toute une vie pour s’offrir une tenue comme ça, toi espèce de bâtard tu peux pas comprendre en s’adressant a Ismaël.
Parce que tu crois que ton clodo de mec la il va t’offrir ça tu pense ? dit Ismaël
Moi j’ai pas besoin d’or pour vivre dit Michelle.
Oais c’est ça, vous etes toutes des putes de toute façon conclut Ismaël ne sachant plus quoi dire. Puis d’abord tu te la ferme on ne t’as pas sonne.


La porte fenêtre de la salle à soudain éclate. Ferdinand et trois autres hommes cagoules s’engouffrèrent dans la salle. Ismaël a juste eu le temps de dégainer son pistolet accroche a sa ceinture et de tirer sur Ferdinand qui lui faisait face, Il le toucha a l’épaule, Les hommes de Ferdinand maîtrisèrent Jacquot a coup de crosse. Ismaël se réfugia derrière la table et n’arrêtait pas de tirer un peu partout pris de panique. Michelle essayait en vain de faire bouger sa jarre d’huile et finit par se réfugier derrière.
Ferdinand était sonne par le choc de sa balle reçue a l’épaule. Ismaël se trouvait juste sous la table qui soutenait la télévision, Une immense télévision des années 80 haute perchée.
Ismaël pensait que c’était des islamistes qui l’attaquaient au vu des barbes que les hommes portaient.

-Vous ne m’aurez pas vivant bâtards d’islamistes criait Ismaël.
-Oh mais on n’as pas l’intention de te laisser filer li répondit Ferdinand.

Ferdinand fit signe à l’un de ses hommes d'abattre les équerres qui étaient au dessus. La télévision tomba nette sur la tête d’Ismaël. Il reçut le tube cathodique sur la tête et fut aussitôt électrifie. Une mort tellière. Ferdinand d’un coup de machette coupa la corde qui retenait Michelle. Il se dirigea ensuite vers Ismaël. Il retira sa tête de la télévision et lui ôta les bouts de verre plantes au dessus de la tête.
-Viens on va voir Marie, elle t’attends dit Ferdinand.
-Et Ismaël ? demanda Michelle
-Mes hommes s’occuperont du reste. Ils ont l’habitude. Allez on ne traîne pas. Les voisins vont alerter la police.

Michelle tenait Ferdinand par le bras et couraient vers l’extérieur.

16

Mama Rahma avait tout prépare avec Taybus qui avait ameute tout le quartier. Il avait déjà ramené toutes les troupes de musique qu’il connaissait. Ca n’allait plus être un mariage mais un festival de rai ce soir la. La rue était coupée au milieu par deux lits entreposés. Une tente était plantée. On attendait plus que Ferdinand. Il était occupe avec Hmida dit Jacquot, ne sachant pas quoi faire de lui. Il l’avait mis dans une cale de bateau au port et l’interrogeait. Hmida ne demandait qu’à parler.

-C’était pour les chevaux ! dit Hmida C’était pour les chevaux que j’ai fait tout ça. Je vous le jure sur la tête de tata Ourida. Il faut tout savoir avant de juger. Tout depuis le début pour comprendre, pour me défendre il faut connaître l’histoire.
Moi je suis un Bellil du clan des des Ouled Sid Chikh. J’ai grandi avec les chevaux. Ma vie tourne autour de ces bêtes. Je ne veux pas qu’on me coupe la tête pour un cheval !
Ecoutez moi un peu car personne ne m’a écouté.
Je suis rentré à l’école des cadets grâce à monsieur Mesbah, le plus grand cavalier de tout le pays. Il est venu chez moi le 9 mai 1979 et a parlé à mon père qui était déjà très vieux.
C’était juste après notre waada ou j’avais fait des émules avec mon Baroud. Baroud était le plus beau cheval qu’un homme puisse posséder et moi je sais comment m’y faire avec les chevaux. La Waada de Ouled Sidi Chikh est la plus importante fête hippique sur le territoire national. Il n’y avait pas loin de six cents chevaux qui se défendaient mais Baroud sortait du lot et moi je savais comment le soigner, le brosser, faire briller ses sabots et sa crinière.
Sa robe argentée allait bien avec la selle de mon grand père.
Je participais à la fantasia pour la forme parce que les fusils ne m’intéressaient pas. C’était dans la danse que j’étais champion. Baroud dansait au bruit des tambours et de la ghaïta. Il réagissait au moindre mouvement de mon corps. Nous ne faisions qu’un. Tout le monde applaudissait. J’étais le roi.
Monsieur Mesbah s’est approché de moi à la fin de la parade a sorti une poignée de son pour Baroud puis m’a dit qu’il allait faire de moi un grand Fares que j’allais devenir Harass Joumhouri. Moi j’avais pas compris que Harass Joumhouri c’était la garde nationale. Mais j’ai compris qu’il s’agissait de chevaux alors je n’ai pas dit non.
Son impressionnant uniforme kaki et toutes ses décorations faisait de Monsieur Mesbah un extra-terrestre dans mon village. Il m’a demandé de me préparer pour la rentrée prochaine, en septembre et m’a donné 500 dinars.
Je me suis retrouvé à l’école de Bordj El Bahri et j’ai signé un 9 septembre 1979.
L’écurie de l’école était dotée des plus beaux spécimens. Les plus belles races sont représentés. J’étais choqué au début par la haute taille des chevaux français. Les robes couleur nacre des lippizans et les poneys ! Je passais le plus clair de mon temps dans les boxes et les stalles de l’écurie qui est devenue ma deuxième maison. Je suis sorti major de ma promotion et j’ai reçu mes galons de lieutenant des mains du général major de l’époque. Un homme très vieux qui aimait les chevaux. Monsieur Mesbah était très fier de moi ainsi que mon père et toute ma famille quand je revenais en permission au village arborant mes galons fraîchement cousus.
En septembre 1983 J’ai été affecté à la présidence au sein du bureau détaché du ministère de la défense et on recevait nos ordres directement de l’état Major. C’était une sorte de cellule d’information implantée par le général Major au sein même de la présidence.
On rendait compte de tout ce qui s’y passait et à l’époque on ne chômait pas. Moi je faisais consciencieusement mon boulot. Il faut dire que je jouissais de quelques privilèges entre autre l’accès à l’écurie de Bordj El Bahri et c’était tout ce qui comptait.
Les années s’égrenaient et je gagnais en galons presque à chaque promotion. J’ai été promu capitaine de la garde républicaine en 1987. A l’époque je venais de me marier Mes supérieurs m’ont offert une maison de maître prés de Ain Taya. C’était parfait pour moi, je n’avais plus à faire de longs trajets je pouvais donc me consacrer encore plus pour les chevaux.

Je dois vous dire que ma passion m’a souvent évité de grands ennuis. Je me mêlais rarement des affaires. J’exécutais tous les ordres sans broncher jusqu’au jour où, Jusqu’au jour où… Le feu m’a tout pris. Toutes les écuries ont pris feu, les étables, le paddock, la grange, le réfectoire. C’était le plus grand crime car ce fut un crime monsieur. Il est impossible vu les dispositions des bâtiments que le feu puisse se propager d’un bâtiment à l’autre sans une main criminelle. Ce soir là monsieur j’ai tout perdu dans l’horreur. Toutes ces bêtes calcinées, personne pour les sauver, Arabi, Tahi, Djamila, je n’oublierai jamais ces chevaux victimes, d’un règlement de compte humain. J’ai commencé par mener une enquête tout de suite après avoir éteint les flammes avec les hommes de la protection civile. Ca n’as abouti a rien. Bien au contraire j’ai eu beaucoup de problèmes a cause de cette enquête et on a fini par me radier. Depuis je traîne a droite a gauche dans les clubs hippiques du pays. C’est la que j’ai connu Ismaël. C’était l’ami d’un patron de club qui touchait au trafic de chevaux arabes et barbes. Je ne m`occupe plus de chevaux a présent. A présent j`en rêve,
Moi, la nuit quand tout est calme, je me vois chevaucher Arabi sur les plaines de ma terre natale sans me soucier de tout cela. On fait appel a moi quand il s’agit de coup foireux et qu’il faut manier des armes. Ismaël m’a contacte il y a quelques jours pour être son garde du corps qu’il disait. Il ne m’avait pas parlé de séquestration. Je n’aurai jamais accepte si je savais qu’il fallait garder cette pauvre fille.
Tu t’y connais en chevaux alors dis moi ? demanda Ferdinand
C’est toute ma vie dit Hmida.
Je vais peu être faire appel a toi bientôt dit Ferdinand. Tu vas rester au port pour l’instant. Tu n’as pas intérêt à bouger.

Ferdinand enferma a clef Hmida et regagna la maison de mama Rahma ou la fête donnait son plein.
Les gosses du quartier couraient partout. Sous la tente on dansait au rythme du rai endiable des chebs qui se relayaient. Les instruments de musique étaient chauffes a blanc. La derbouka, le bendir étaient prechaufees a la lampe, la troupe de karkabou suivait les percussions quelque que soit la chanson, quelque soit le rythme. Les youyous fusaient et déchiraient les artères du quartier. Il faut dire que Mocho était choyé dans le quartier parce que depuis tout petit il ramenait du poisson qui hors de prix aux mamans. Tout le monde dansait. Les vieilles mamas étaient a l’intérieur habilles en blouse et bardées d’or et de bijoux. Les jeunes allaient dans la voiture pour teaser. On fit la fête jusqu’au lever du jour. Marie n’arrêta pas de danser toute la nuit avec Mocho, Michelle et Ferdinand. Au petit jour ils montèrent tous les quatre a Santa Cruz avec du café et des croissants. Ferdinand tenant Marie par la main et Mocho resta dans la voiture avec Michelle.
Marie sentit Ferdinand perturbe.
-Tu pense au Cheikh c’est ça ? dit Marie
-Oui Il faut que j’aille le voir Il doit être perdu sans moi.
-Tu retournes à Timimoun ? C4est dangereux avec ce qui s’est passes les flics doivent être au taquet
-Marie il faut que je te dise. Retourne en France avec Mocho et Michelle. Dans une semaine tu sera propriétaire ta vie ne sera plus la même. Personne ne t’emmerdera et tu vivra une vie pepere.
-Mais je veux rester avec toi
-Il faut que j’aille rejoindre le maître. Ma vie n’est pas faite pour toi. Tu ne peux pas me suivre constamment ans tout ce que je fais, retourne en France !
Marie sentit une boule dans sa gorge se former et des larmes couler. Elle se mit à taper Ferdinand violement si bien qu’il faillit perdre son équilibre.
Je ne veux pas rentrer en France ! Je te veux toi, tu comprends ? toi !
Michelle voyant que ça se gâtait sortit de la voiture et prit Marie par les bras en jetant un méchant regard à Ferdinand.

17
Les papiers furent prépares au bout d’une semaine. Ferdinand était déjà reparti à Timimoun. Pendant que Michelle et Mocho préparaient leurs affaires pour partir, Marie s’enferma dans la chambre de mama Rahma. Elle ne mangeait pratiquement plus rien et fumait clope sur clope.
Le jour du départ, Tout le quartier accompagna les maries et Marie a l’aéroport. Mama Rahma enveloppee dans sa haiek blanc n’arrêtait pas de pleurer. Mocho était aux anges et n’arrêtait pas d’embrasser tout le monde.
Ne vous inquiétez pas je reviendrai bientôt charge de cadeaux
Retour à la grisaille de Paris dit Marie
Vois le bon cote des choses dit Michelle maintenant on va bosser pour notre compte et plus personne pour te faire chier.
Ca sera pas facile on est que deux pauvres filles
On n’est pas seules, y a Mocho avec nous. Il sait tout faire
Moais on verra
Une fois les bagages enregistres Marie se posa contre le mur pour fumer une clope. Mama Rahma la rejoignit.
Ma fille écoute, tu va repartir chez toi le cœur serré comme ça c’est pas bon. Tu pense à Ferdinand mais moi je te dis il ne faut pas. Les hommes y en a partout des biens. Ferdinand il est comme ça, il n’est pas fait pour le mariage. Tu vas trouver quelqu'un d’autre pour le mariage, pour faire de beaux enfants et une maison. C’est mieux partout. Ferdinand tu l’aimes mais ce n’est pas pour toi. Tu ne vas pas l’oublier mais c’est comme ça il faut faire avec. Sois forte ma fille.
Marie n’en pouvait plus elle avait mal à la gorge, elle tremblait de douleur. Elle s’est mise à pleurer dans les bras de mama Rahma.
-Je ne pourrai jamais l’oublier mama Rahma jamais. Je ne veux pas d’enfants, de maison avec un autre que lui .C ‘est lui que je veux mama Rahma pourquoi ? Pourquoi ?
-Allez ma fille ne pleure pas.
-Tu viendra en France me voir ?
-Oui inchallah si Dieu le veut et toi aussi viens passer quelques jours chez mama Rahma quand ton cœur sera trop serré.

On annonça l’arrivée de l’avion en partance pour Paris. Michelle, Marie et Mocho apres un dernier adieu passèrent la douane sans souci puis regagnèrent l’avion quelques minutes plus tard.

18

Ferdinand redoutait son entrevue avec le maître. Il l’avait laissé à Timimoun chez le muezzin de la vieille mosquée avec pour consigne de ne jamais laisser approcher le maître et qu’il ne sorte pas de la maison sauf cas exceptionnel. Durant tout son trajet il repensa à Marie. Il ne se sentait pas bien du tout.
Qu’allait-il advenir du maître et de la lutte du FLD? Le grand rassemblement aura-t-il lieu finalement ?
Timimoun arriva bien assez tôt. Il se disait qu'une fois qu'il aura parlé au maître tout s'éclaircira.
Ferdinand est arrivé par la route à Timimoun il se dirigea directement vers la maison de Mounir le muezzin.
Il salua sa famille, ses frères et soeurs et son vieux père qui se tenait tout le temps a l’entrée de la maison qui jouxtait la vieille mosquée.
La cour intérieure était remplie de monde. Des hommes étaient assis par terre sur des nattes et récitaient le coran. Mounir se leva precipitement et se dirigea vers Ferdinand en ajustant son cheche blanc sur la tête.
Ferdinand tu es arrivé à temps, cheikh El Mouchir est mourrant, il te réclame depuis des heures. On a essayé de te joindre sur ton portable en vain.
Ou est t-il ? Demanda Ferdinand
Viens ; Suis moi.
Mounir emmena Ferdinand vers la porte bleue au fond de la cour. Une femme était assise à l'entrée.
L'air était chargé d’une forte odeur de musc mélangée à de l'eau de rose. Une table basse en bois posée avec un plateau de thé et des ustensiles de cuisine attira l'oeil de Ferdinand. Il prit une bonne respiration et pénétra dans la chambre. La pièce était dépouillée. Le Cheikh occupait une toute place d'un grand lit posée à même le sol. Il avait le bras et la jambe bandée. Il semblait très mal en point. Ferdinand se tenait debout regardant le cheikh à bonne distance. Il sentit la présence de Mounir qui lui disait.
-Mon ami Ferdinand woulah c'est un grand malheur qui nous arrive. Tu m'as pourtant dit de ne laisser entrer personne. Mais que veux-tu les bruits courent dans la ville. Et des qu'ils ont entendu parler de la présence du Cheikh. Tout le monde est venu. Je n'ai laissé entrer personne. Sauf mon beau frêre.On ne sait pas ce qui s'est passé vraiment. Mon beau frère est venu hier voir le cheikh. Il a voulu l'emmener voir les grottes. On a retrouvé la voiture au fond de l'oued retournée. Le cheikh a reçu un sale coup sur la tête. Mon beau frère s'en est tiré. On a emmené le cheikh à l'hôpital. Ils disent qu’ils ne peuvent rien pour lui. Qu'il vaut mieux le garder chez nous. Alors on l'a ramené. C'est la fin Ferdinand.

Ferdinand s'est approché du vieux cheikh. Il s'est assis sur le bord du lit et lui prit la main.

Ferdi, mon petit Ferdi. Je suis content de te voir. Je vais bientôt partir rejoindre mon père.
Ne dis pas ça mon cheikh dit Ferdinand
Si. Je le sens Ferdinand. C'est ici que ma route s'achève. Ecoute moi. Je n'ai pas eu beaucoup de fils. Durant toute ma vie je n'ai eu que toi. Tu as été le compagnon d'infortune, le fils que j'aurai du avoir. Me voici tapant à la porte de mon créateur. Je ne laisse derrière moi aucune descendance, aucun fils qui porte mon nom. Il me reste des biens au Soudan dont je ne t'ai jamais parlé. Une terre qui appartenait à mon père. Je te la lègue. Je voudrai seulement que tu m’écoute. Aujourd'hui et après toutes ces années de lutte, il est temps pour toi de prendre un autre chemin. Ne commets pas mon erreur. Il y a u temps pour tout. Il est temps pour toi de déposer les armes et de fonder une famille Tu as assez donné et tu es encore jeune pour faire de beaux enfants. La petite Marie...Je l'ai observée attentivement. Où est elle ?
Elle est rentrée en France.
Rejoins la, Ne la perds pas. C'est elle qu'il te faut. Une femme qui connait ta valeur et qui t'aimera toute ta vie. Va En France. Avec l'argent de mes terres tu pourras démarrer une nouvelle vie. Plante ta tante. Construis ta maison Ferdinand.

Ferdinand sentait que le cheikh faisait des efforts surhumains pour parler.
Ne parlez plus mon cheikh, reposez vous.
Autre chose, je voudrai que tu m'enterre ici. Au pied de cette mosquée il y a un cimetière.
Mais qu'est ce que vous racontez vous n'allez pas mourir, Je vous emmène tout de suite à Adrar, il y a un grand hôpital las bas ils s'occuperont de vous.
Non mon fils. Reste auprès de moi et écoute le coran. Peu être que cette fois-çi ça finira par rentrer dans ta tête. J'ai beau te le faire apprendre tu as toujours été un irremdiable athée.

Le maître sourit. Il ferma les yeux et repetait avec les psalmodieurs : « koulou chayine fene wa yabka wajhou rabbika dhou el jalali wel ikram »
Ferdinand vit ainsi son vieux maître s'éteindre sur ce grand lit à deux places.
19

Marie, Michelle et Mocho s’étaient mis tout de suite au travail. Ils s’installèrent au camping. Michelle et Mocho prirent la chambre d’Ismaël après avoir brûle toutes ses affaires et mis à la porte sa première femme une fois que les papiers de propriété furent enfin au nom de Marie.
Ils fermèrent le camping pendant un moment et entreprirent de le réaménager. Mocho se montra fort habile de ses mains.
Michelle commençait à montrer des signes de fatigue vu sa grossesse naissante. Marie décida de vendre le club de Pigalle afin d’investir dans le camping. Elle avait pour projet d’en faire un parc de loisirs pour enfants. Avec des animaux de ferme, des attractions et des stands de tirs.
Mocho commença à apprendre le français le soir avec Michelle. Il avait l’intention d’ouvrir une société de travaux en bâtiments parce qu’il disait qu’avec tous les produits qu’il y avait en France c’était comme faire de la pâtisserie.
Il se passa deux mois ainsi. Marie s’acharnait sur ses travaux en tout genre quand un beau matin, un camion de couleur mauve, un de ceux qui transportent les chevaux se posa à l’entrée du camping.
-Mocho va voir qui c’est qui s’est posé là, ce con il bloque l’entrée dit Marie.
Mocho lâcha son hilti, enleva ses lunettes de protection et partit voir, énervé de s’être fait déranger.
Apres un moment Il revint en courant.
C’est Taybus !
Non ce n’est pas vrai dit Michelle.
Taybus ! petit voyou tu m’as manqué di Marie.
Tout le monde se leva et partit accueillir Taybus.
-Alors les filles toujours fourrées dans des affaires scabreuses, on m’a dit que vous vouliez ouvrir un cirque ou je ne sais quoi. Je vous ai ramené des chevaux… Jacquot ouvre le camion.
Jacquot ouvrit le camion. En sortit Ferdinand à la main un beau cheval barbe à la robe argentée.

A la vue de Ferdinand, le cœur de Marie a failli lâcher. Il était bien là debout. Ferdinand. C’était bien lui. Elle l’a reconnue sans ses cheveux longs et sa barbe. Il avait rajeuni de dix ans au moins. Ferdinand embrassa Michelle et Mocho puis s’est approchée de Marie l’as prise dans ses bras et l’as embrassée longuement. Marie tremblait comme à son habitude comme une feuille. Ferdinand sortit de son sac un vinyl.
- C’est un cadeau de mama Rahma dit Ferdinand Moi je t’ai ramené deux chevaux et un poney pour ton parc.

Qui c’est qui t’as dit pour mon parc ?
C’est Michelle.
Ah vous étiez en contact tout ce temps ?
Oui.
La salope, elle ne m’a rien dit. T’as lâché ton vieux maître ? Il t’as laissé partir?
Il est mort.
Ah.je suis desolée tu dois être triste
Ca m’as miné un moment. J’ai fini par m’en remettre. J’ai beaucoup pensé a toi durant tout ce temps.
Ah et alors?
Alors j’ai voulu venir te voir peu être que..
Tais toi.et entre boire un thé. Mocho depuis qu’il est parti à Timimoun le fait façon Sahraouie.

Marie lança le vinyle, s’assit entre Michelle et Ferdinand. Taybus, comme à son habitude se mit a raconter ses récentes aventures pendant que le thé finissait de fuser.